Prisonnier des eaux

Désir d'histoires

Désir d'histoires

Et voici le « désir d’histoires no 63 » dont voici la liste des mots (19 au total) : tard – pelage – lettre – muguet – tornade – prélude – oiseau – temps – plateau – duel – éternité – bégayer – toxique – merveilleuse – soleil – film – fugitif – interdit – carnage

 

Les autres textes, ici 🙂

 

 

Avertissement : Ce récit est une pure fiction. Par conséquent, toute ressemblance avec des situations réelles ou avec des personnes existantes ou ayant existé ne saurait être que fortuite.

Les épisodes précédents :

  1. Encore un peu de temps en liberté… (Désir d’Histoires no 60) : à l’instant présent, réveil d’un personnage « coincé » sur une île et coincé dans ses souvenirs.
  2. « Baisse la tête, je vais… » (Les Plumes de l’Année en lettre P) :  dans un passé à peine passé (du moins semble t-il…), ce même personnage se retrouve en train de courir, pourchassé mais guidé, il fonce … tête baissée.. gare …
  3. Mis entre parenthèses (Désir d’Histoires no 61) : Suite à son rêve teinté de réalité, le héros revient à lui, toujours « coincé » sur son île. Inquiet, il décide d’explorer les environs et fait une troublante découverte.
  4. Brûler les traces (Désir d’Histoires no 62) : Retour vers le passé pour partager le début de ce qui s’annonce être une traversée d’est en ouest de la France. Mais avant tout, il s’agit de faire un peu le ménage

 

Choqué par la découverte d’empreintes de pas, notre héros, que nous pouvons désormais appeler Nathan se retrouve confronté à ces nouvelles révélations surgies à l’occasion du précédent texte… Réaction(s) ? 

 

Un piaulement pointu et saccadé d’un oiseau à quelques mètres au-dessus de ma tête me sort définitivement de mon curieux songe. Me voilà de retour de mon voyage au-delà de la conscience, extirpé de cet étrange état de demi sommeil durant lequel je revis mon passé récent. Les images de ce nouveau film défilent, impressionnent le négatif de ma conscience qui s’éveille peu à peu. Les picotements, réveil de mon engourdissement cérébral, se font enfin plus intenses. Nathan, je suis donc Nathan Ribera, fugitif. Curieusement, ce nom ne me dit rien. Ce sont plutôt les sensations vécues au pied de cet incinérateur, là-bas en Lorraine, qui me ramènent des bribes de souvenir. Combien de temps s’est-il réellement écoulé depuis ces évènements ? Où est passé celui qui s’est présenté à moi à la fois comme mon protecteur et mon séquestreur ?  Comment puis-je avoir tout oublié ? Mon amnésie semble pourtant ne pas être liée à un quelconque coup physique, je n’en porte en tout cas aucun stigmate. Alors quoi ? Mauvais rêve ? Fausse identité ? Affaire de gros sous ? Manipulations ? Refoulement involontaire d’une vérité toxique ?

Je me retrouve à ressasser en long et en large le peu d’éléments que je commence à réunir. Pour le moment, je ne parviens qu’à bégayer une partie de mon passé. Je suis assis derrière un généreux feuillage d’arbustes dont la senteur légère et délicate me rappelle celle du muguet. Je m’y suis réfugié après être resté un long moment interdit devant l’évidence de cette présence humaine. Quelqu’un a marché ici … les marques ne sont pas nombreuses certes mais elles sont sans conteste récentes. On a même essayé de les effacer. Difficile de dire si elles appartiennent à une ou plusieurs personnes. Amies ou ennemies ? Il va me falloir être très prudent. Ces empreintes découvertes prennent la direction du plateau, cela mène vers le relief plus escarpé de la partie sud de l’île… direction … le voilier !! Je dois remettre à plus tard la découverte des lieux et retourner rapidement vers ces falaises. Peut-être pourrais-je en apprendre un peu plus. Je dois risquer une sortie. Prudemment, j’écarte les épais branchages odorants et me mets à l’écoute de ce qui m’entoure.

Le soleil est en train de prendre la tangente et va bientôt se laisser tomber dans l’océan, derrière moi, au pied de mon campement improvisé. La météo si merveilleuse jusqu’alors se fait plus menaçante, imprévisible. Le ciel s’obscurcit prématurément se drapant d’un violet orange sombre. Plein sud, j’aperçois la grande bleue devenue couleur encre noire. Elle fait d’innombrables dos ronds, enroulant des vagues de plus en plus hautes. Très agitée, elle pare son pelage de moustaches blanches d’écume. Le fracas sur le récif un peu plus loin en contrebas s’intensifie. Le vent qui se faufilait jusqu’alors félinement entre les arbres leur hurle désormais de se prosterner sur son passage. L’orage s’annonce violent, inquiétant prélude à ce qui pourrait devenir une tornade. Il commence à bruiner mais peut-être ne sont-ce pour l’instant que des gouttelettes de mer chevauchant les rafales venteuses. Il me faut faire vite désormais. Tout le décor autour de moi s’agite et se prépare à un duel sans merci entre les éléments naturels qui se déchainent, prêts au carnage. Encore étourdi par la soudaineté de la transformation de la scène et à la faveur de l’obscurité partielle, je progresse lentement le long d’une arête à découvert. À mes pieds, se trouvent désormais les falaises. Je cherche un passage et trouve ce qui semble être une petite faille. M’agrippant tant bien que mal à des prises mal assurées, je commence alors ma descente. Ma progression s’avère pénible. Cela me paraît durer une éternité. Dans l’obscurité, enveloppé par des tourbillons d’air et d’eau, mes pieds nus glissent sur les rochers affûtés et sombres, si bien que désormais j’avance complètement à l’aveugle.

À peu près à ce que j’estime être la mi-parcours, j’atteins, exténué, une cavité assez large pour m’accueillir. Me collant à la paroi, je parviens à me glisser à l’intérieur. Le vent meuble les lieux de ses feulements virulents. Je ne peux plus poursuivre. C’est trop dangereux. Personne n’a pu passer par ici. La seule solution raisonnable est de rebrousser chemin et de tenter de passer par le rivage comme je suis parvenu à le faire lors du premier jour. L’épave échouée peut à tout moment m’être reprise par le reflux qui ratisse violemment entre chaque aspérité de la dangereuse dentelle de ces écueils. Je m’aventure à jeter un œil. De là où je me trouve, je ne peux que deviner dans la pénombre sa silhouette, désormais  couchée sur le côté, totalement dévêtue de sa voile arrachée, le mât et la coque formant une lettre L à la surface de l’eau bouillonnante. Le tout tangue dangereusement mais est plus que jamais prisonnier des griffes rocailleuses. Je scrute les ténèbres dont les tourments cherchent enfin un second souffle. La lune joue des épaules avec de sévères et impressionnants nuages et pâle clarté se fraie un chemin jusqu’à moi. Là, en bout de falaise, deux petites lumières se balancent au mauvais gré du vent. Surplombant cette baie, et à cheval sur la crête, cet emplacement offre très certainement un excellent point d’observation sur toute la place … mais également sur l’autre côté, celui de la plage où je me suis réfugié … !!! ….

Coincoins observés

 

 Ici, la suite … Courte transition

 

 Ce texte n’est pas libre de droits.

:-)

Encore un peu de temps en liberté

 

Désir d'histoires

Désir d'histoires

Désir d’histoires no 60 et ses mots : myriade – vide – lundi – (saturnale)s – grenouille – bulle – icône – silencieuses – astuce – savoir-vivre – valise – étourderie – soif – plaine – kaléidoscope – (syndérèse) – fièvre – trottoir – renverser – paupière – surprise

Ici, les autres textes !

 

 

 

 

« Telles des aiguilles, les rayons du soleil transperçaient mes paupières pourtant lourdement fermées. Instinctivement, je me suis renversé sur le côté. J’avais les jambes mouillées jusqu’aux mollets, léché par les vagues. Le sable que je touchais du bout de mes doigts ne m’a alors laissé aucun doute. Je me réveillais sur une plage. Le son du ressac m’a donné la nausée. Mon estomac s’est contracté violemment, tous mes muscles l’ont suivi, un spasme de douleur m’a secoué le haut du corps. Laissant échapper un filet bileux à l’odeur et à l’acidité caractéristiques, le sable s’est mêlé à mes lèvres puis agrippé à ma langue rêche. Écorché, blessé, coupé, chaud, mon corps entier n’était qu’une plainte sourde. La fièvre s’était emparée de moi anéantissant par la même toute capacité à raisonner, à fonctionner. Je ne parvenais pas à éclaircir mes pensées, seulement capable de ne percevoir que le vide en moi et autour de moi. La luminosité trop forte m’a repoussé vers une première touffe de végétation exotique qui flirtait avec le bord de mer. Je me suis écroulé dans les hautes herbes, laissant la légère brise recouvrir mon corps endolori de son souffle apaisant… C’est à ce moment-là que ma conscience a de nouveau cédé à la volupté du néant… »

Voilà, ces quelques lignes résument les premières choses dont je suis capable de me rappeler de toute mon existence ! Avant ce réveil dans l’inconnu, tout est blanc. Comme si quelque entité supérieure avait fait un reformatage complet de ma personne. Plus aucune information me concernant personnellement ne me revient pour le moment. Où suis-je ? Que s’est-il passé ? M’attend-on quelque part ? Est-on en train de me chercher ? Déroutant, déboussolant. Je ne sais plus qui je suis ni d’où je viens. Je suis là, assis sur un frêle matelas de verdure, comme la grenouille au réveil sur son nénuphar séché cherchant à comprendre où est passée la Mare disparue pendant son sommeil. Cette remise à zéro de mon compte « vie » m’absout de toutes ces choses que j’ai pu faire dans le passé. Intervention divine ou résolution raisonnée, quoiqu’il en soit, toute syndérèse (*) devient aujourd’hui inutile. Sans plus aucun contexte social ou économique, je n’ai plus à me mesurer à des icônes inaccessibles, à respecter un quelconque savoir-vivre ou à être capable d’un savoir-faire. Je me retrouve dans cette bulle paradisiaque ne sachant pas ce que j’ai perdu ou peut-être gagné. Plus de lundi, plus de weekend, plus de gens qui font la gueule, plus de crottes à éviter sur le trottoir, plus de règles ni de contraintes à respecter. Toutes les réticences initiales m’interdisant le lâcher prise qui me taraudait depuis que j’ai émergé dans cette inespérée parenthèse sont devenues désormais silencieuses. Incroyable, il n’aura fallu que quelques jours pour que mon instinct prenne le dessus et se libère de tous mes clivages sociaux et intellectuels.

Comme au lendemain de dantesques saturnales (**), ma gorge, torturée par la soif que les maigres noix de coco n’épanchent guère, semble enchevêtrée dans un fil de fer barbelé. Mais je ne vais pas me plaindre, la mer a été bonne avec moi, elle semble veiller sur ma petite personne. A quelques brassées de là, au pied de la falaise se situant au couchant, elle a retenu dans ces rochers coupants une grande partie de ce qui semblait être un bateau de plaisance. J’ai pu y retrouver une cantine à peine endommagée pleine de victuailles, deux trousses de premier secours, quelques livres à peine abimés, des stylos, plusieurs cahiers vierges, un sac de vêtements qui semblent tous m’aller, une couverture de survie, une petite valise pleine à craquer de billets de banque… Avec un peu d’astuce, je vais pouvoir m’améliorer le quotidien avec tout ça. Je n’ai malheureusement réussi à mettre la main sur aucune indication nominative, ni temporelle. Mon premier sentiment est que j’étais seul sur ce bateau, probablement en quête de solitude et de recueil. Cherchant certainement à amarrer, la barre sous le vent, une étourderie de navigation m’aura amené à m’approcher trop près et à échouer sur ce lit de rochers à fleur d’eau. La corde de sécurité que j’ai retrouvé ne laisse aucun doute sur le fait que n’étant pas attaché, j’ai du voler par dessus bord. L’île paraît peu étendue, je reporte pour le moment toute expédition en son sein, une plaine semble s’ouvrir vers le levant, derrière l’épais mur de végétation dans lequel je me suis pour le moment réfugié.

Parfois, comme un film mal monté, certaines séquences d’une autre vie me reviennent. Explosés, saillants et surgissant de façon impromptue, ces souvenirs en kaléidoscope me déroutent me plongeant dans un état de béatitude profond. Je suis incapable de dire si ces douloureuses poussées proviennent d’un véritable vécu. Ce que je ressens assurément, c’est que tout mon être les repousse désormais. À ma grande surprise, une fois rasséréné, je ne me sens ni seul ni déprimé ni même en manque. Je prends la vie comme je respire, une bouffée d’air après l’autre. Il fait déjà très sombre maintenant, j’ai assez écrit pour cette première fois, mes doigts s’enraidissent encore très vite. Les nuits tombent vite sous cette latitude, je dois être proche de l’équateur. Le voile obscur des ténèbres à peine en place, c’est un nouveau spectacle de lumières qui commence. Là, assis face à la mer, les cheveux au gré du vent marin frais, je me laisse cerner par la myriade d’étoiles. Comme autant de points d’interrogation dans mon esprit, elles font scintiller de leur éclat énigmatique l’infini écrin voûté.

J’aime ma nouvelle existence d’être « réellement » vivant. Je ne scrute déjà plus autant l’horizon, fusée de détresse à la main. Je me surprends même à souhaiter qu’au moins pour un temps on m’oublie, qu’on me laisse encore un peu de temps en liberté.

Coincoins échoués

Ici, la suite … « Baisse la tête, je vais … »

 

(*) syndérèse : remords de conscience (référence : http://littre.reverso.net/dictionnaire-francais/definition/synd%C3%A9r%C3%A8se/71767)

(**) saturnales : (référence : http://littre.reverso.net/dictionnaire-francais/definition/saturnales)

Ce texte n’est pas libre de droits.

🙂

 

 

Les jardiniers de l’arbre de mon quartier

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Désir d’histoires de cette semaine (no 59) et ses 26 mots :

douleur – narcisse – irénisme – lilas – choix – fiançailles – mensonge(s) – forme – retour – diamant – photophore – tambourinage – branche – reflet – prisme – réitéré(e)(s) – espérance – papillon – souvent – purgatoire – désirable – série – folie – argentier – controverse – peine

Les autres textes ici !

 

 Avertissement : Ce récit est une pure fiction. Par conséquent, toute ressemblance avec des situations réelles ou avec des personnes existantes ou ayant existé ne saurait être que fortuite.

 

 

Sans mensonge ni dispute, sans tambourinage ni esclandre futile, ce fut une histoire d’amour sans douleur ni peine inutile, sans chichi ni ornement froid de diamants. Le reflet de leur relation était à l’image exacte de leur relation : modeste et authentique.

Lili et Léon, « petits » vieux attendrissants aux regards délavés comme seul le temps sait le faire, étaient devenus au fil du temps les « grands-parents » de tous les habitants de notre quartier. Ils avaient consacrés toute leur énergie de fin de vie à essayer de rapprocher les gens. Mieux que personne, ils avaient su insuffler l’espérance là où le purgatoire semblait la destination inévitable. On se plaisait à dire d’eux qu’ils auraient été capables de réconcilier « Narcisse et Echo » (*) tant ils faisaient preuve d’un irénisme sans limite. La moindre controverse trouvait apaisement et raison éloignant les coups de folie vers d’autres rivages. Leurs détachements des biens matériels en faisaient des argentiers voués à la faillite et ils prêtaient parfois au delà de leurs moyens mais là n’étaient point leurs tourments. Ensemble, ils semblaient intouchables malgré les tempêtes sociales réitérées qui pouvaient s’abattre sur nos petites ruelles. Selon eux, ce sont les branches d’un arbre qui le rendent fort et résistant, et non pas simplement la robustesse de son tronc. Chacun d’entre nous était ces branches, nos bois et feuillages étaient entretenus par ce merveilleux couple de jardiniers de la vie.

Malheureusement, « le temps passe et la mort vient ». Ce soir, chaque fenêtre, chaque pas de porte, chaque bord de cheminée accueille petites bougies ou photophores animés de leur flamme hésitante. Ces petites lumières illuminent tous nos endroits comme Lili et Léon avaient éclairé jusqu’à alors le quotidien de chacun : discrètement, tendrement, doucement. Le pire était arrivé. Quelques heures à peine avaient suffi à remarquer l’absence du couple qui semblait jusqu’alors éternel. On avait entr’aperçu Léon déambuler toute la matinée, de son pas cassé mais décidé, entre l’arrière de la maison et son jardinet. Le visage fermé mais à peine plus creusé qu’à l’accoutumée, il allait et venait. Dehors, par gestes lents et précis, il coupait généreusement les petits arbustes de lilas tout en soignant sa cueillette qu’il rentrait à l’intérieur au fur et à mesure. Au retour, les bras chargés, il avait plusieurs fois refusé, avec son sourire habituel, l’aide amicalement proposée par son voisin. Non, vraiment, rien ou presque n’aurait pu laisser présager la suite.

Les lilas de Lili…. Ils avaient fait revivre cette fleur dans notre quotidien, ce suave symbole amoureux, bien souvent oubliée. Lili, dans son infinie patience, en avait cultivé dans la plupart des jardins aux alentours, variant les couleurs, panachant les variétés selon les personnes à qui elles les destinaient. La lumière changeante au gré des heures et des saisons délivrait alors des couleurs pastelles insoupçonnées. Ravie, surprise comme à la première fois, elle était même émue devant le spectacle de ce prisme végétal naturel. Elle se plaisait à rappeler que cette plante était empreinte de pureté et d’innocence, ne s’offrant à l’origine qu’aux femmes à la morale exemplaire. Et c’est ainsi, qu’à chaque floraison, les habitations se retrouvaient dès lors honorées.

Léon s’était affairé jusqu’en début d’après-midi, ce qui en soit était bien surprenant étant donné qu’à l’accoutumée, vers les onze heures, il rejoignait Lili aux fourneaux afin de préparer quelques mets délicieux et parfumés dont eux seuls semblaient détenir le secret. En fin de journée, le voisin, intrigué par la quiétude des lieux, était venu frapper à la petite porte de derrière laissée entrouverte. Il la repoussa doucement. Un petit grincement sinistre déchira le silence chauffé par cette belle fin de journée. Des effluves floraux inondèrent immédiatement le pas de la porte repoussant dans un premier temps le visiteur. Celui-ci pénétrant les lieux eut alors une deuxième surprise : la maison était complètement tapissée et garnie de lilas. Enivré par la violence des senteurs, le voisin tituba puis rejoint le petit couloir qui menait aux chambres. « Lili ? , Léon ? » se risqua t’il tout en laissant vagabonder son regard sur les moments de vies exposés au long de centaines de photos jalonnant le passage. Pas de réponse. Un léger halo s’échappait de la chambre des deux tourtereaux, la petite angoisse naissante dans le bas ventre s’accentua. Quelques pas plus loin, il trouva Léon qui fixait Lili, allongée sur le lit dans une de ses plus belles robes. On devinait à l’expression du vieil homme, que sa femme lui apparaissait aussi belle et désirable qu’au jour de leurs fiançailles. Coquettement apprêtée, mais sans souffle et au teint anormalement livide, elle semblait s’être assoupie. Le voisin laissa échapper un petit cri d’effroi qui brisa le charme morbide de la scène. Léon, les yeux noyés par le chagrin, tourna la tête vers lui, il semblait terrassé par la fatigue et le tourment. Comme échappées des chaines de la raison, la douleur et la détresse se glissèrent alors hors de son corps dans un long déchirement sonore mélancolique, étranglé par l’émotion insoutenable…

Quelques jours sont passés maintenant. Je ne dors pas. Il est très tard pourtant. Pris d’assaut par les larmes, assis sur le banc du petit jardinet, je regarde les petites lumières qui font danser les papillons de nuit, révélant dans l’obscurité d’improbables formes de la Vie. La longue lamentation de Léon résonne toujours à mes oreilles, désarmante et tellement poignante. Pov’ vieux, il ne s’en remettra sûrement jamais. Mes larmes me submergent à nouveau. Entre mes lèvres, les mots s’entrechoquent me faisant chevroter. « Tu me manques terriblement Lili, tes lilas fleuriront indéfiniment nos âmes et nos allées. Je te le promets grand-mère. »

 

Coincoins éternels

 

(*) L’un, fils d’un dieu, amoureux de son reflet et incapable d’ « aimer », l’autre, nymphe punie (par Héra, femme de Zeus) qui ne pouvait plus se servir de sa voix hormis pour répéter des mots qu’elle venait juste d’entendre. Éperdument amoureuse de Narcisse qui lui ne voulait d’aucun réel amour, Echo mourut de chagrin jusqu’à ce qu’il ne lui resta plus que sa voix. Par la suite, piégé par Némésis, Narcisse perdit la vie en ne sachant pas détacher le regard de son propre reflet d’une eau où il était venu se désaltérer. Se contemplant, amoureux de lui-même, il mourut en cette place où son propre sang fit pousser une bien belle fleur blanche que l’on appela Narcisse. Avec des illustrations…ici -> http://www.jesuiscultive.com/spip.php?article364

 

 

Ce texte n’est pas libre de droits.

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