Les plumes de l’année 13 – les mots en M

 

Ceci est ma contribution aux plumes de l’année numéro 13 (avec des mots en M). Mon point de départ à cette histoire inspirée en (petite) partie de la réalité a été un article dernièrement publié ici même.

Voici la liste définitive des 17 mots commençant par M qu’il me fallait placer dans mon texte de samedi matin : matin – mélancolie – mariage – moulin – mausolée – minuscule – marmelade – mauve – mouchoir – mimétisme – miniature – merveilleux – méandre – murmures  – martingale – mélange – misérable.

(A savoir que les verbes donnés à l’infinitif peuvent se conjuguer, qu’un substantif au singulier peut se mettre au pluriel ou vice-versa !)

Edit du 7/01/2012 – 10h30 : ici, les différents textes produits ! BonneS lectureS !

 

 

Espoir

Espoir

 

« No sugar.. no milk… just your smile to make it sweet ! » (*)

(*) "Ni sucre ni lait... juste votre sourire pour le sucrer"

Moi, rougissant, souriant, stupéfait… A mon insu, les mots se sont glissés hors de mes pensées. Elle me rend mon sourire (que je sens pourtant niais) en me tendant mon café. Elle retourne à son occupation d’avant mon apparition, la « san phra phum », maison miniature traditionnelle thaï est désormais presque complètement débarrassée des stigmates de l’orage de cette nuit. Ici, ces petites reproductions fidèles sont le complément indispensable de chaque habitation. Destinée aux offrandes quotidiennes, elles abritent les pra phum (seigneurs des lieux) qui éloignent les mauvais esprits. Elevée du sol par un gros pilier central, celle-ci est particulièrement difficile d’accès. Sur la pointe de ses petits pieds nus, Joei inspecte consciencieusement la maquette. Une à une, les figurines renversées sont redressées. Certaines d’entre elles sont typiques, d’autres ont une origine bien moins proche. Offert par un hypothétique client de ce « guesthouse » (pension familiale), un petit moulin arborant la mention « Kinderdijk » a une de ses ailes mal en point. Par des gestes doux et précis, mon hôtesse la redresse et la refixe à l’aide d’un minuscule bout de ferraille. Satisfaite, elle le replace. Immédiatement, les toiles à petits carreaux bleu et blanc, certainement découpées dans un vieux mouchoir, se tendent et se meuvent. Le mariage improbable de tous ces objets compose une scène qui me rappelle les brocantes que j’affectionne tant. Elle se recule lentement, la tâche semble achevée. Elle me rejoint sur la petit banquette en osier. Cela me tire de ma torpeur et me ramène à la réalité de ma situation embarrassante.

« No sugar.. no milk… just your smile to make it sweet ! ». Comment ai-je pu laisser échapper cette phrase ? Je suis surpris. Je rougis à nouveau et quand elle s’en aperçoit, son sourire (qui ne l’a pas quitté une seule seconde) s’élargit encore. Rassuré de ne pas être perçu trop cavalier, je me réjouis de cette martingale improvisée qui m’a permis au final de libérer mes sentiments enfermés. La mélancolie qui me ligotait l’âme encore ce matin vient de voler en éclat. Désormais, c’est le battement de mon coeur au galop qui rythme le fil de mes pensées. Je détourne doucement mes yeux, je sens qu’ils deviennent trop insistants. Mes mains tremblent légèrement, imperceptiblement, du moins je l’espère. Elle est ravissante, troublante. Imperturbable, ses yeux noirs et profonds cherchent désormais les miens. Ils se rencontrent à nouveau. La légèreté de cette merveilleuse sensation de douceur partagée me berce, me calme. Dans le silence et la fraîcheur du petit matin, nous sommes là, côte à côte, sous le auvent principal de la grande demeure. Malgré les gros nuages annonçant d’autres pluies déferlantes, je suis maintenant encore plus impatient d’en finir avec mon petit déjeuner. En étalant ma marmelade, je révise mentalement le programme de la journée : gravir le pic voisin qui depuis mon arrivée me nargue et visiter les pagodes d’un roi et d’une reine jusque là totalement inconnus pour moi. Je meurs d’envie de lui proposer de m’accompagner. Je sais que c’est une curieuse invitation que celle de proposer de visiter cette sorte de mausolée mais aucune autre idée ne me vient.

Maintenant, je cherche les mots qui vont suivre. Je me fouille. Je lance une traque dans les méandres de ma mémoire. Comment agir ? Le faut-il d’ailleurs ? C’est la confusion totale.Tout se mélange. Je suis là, au bout du monde, en pleine nature, à quelques kilomètres à peine du plus haut sommet de la Thaïlande, le Doi Inthanon. Le parc national environnant recouvre toute la montagne. Les murmures de cette impressionnante forêt se font plus présents, comme encouragés par la clarté naissante. La surenchère des couleurs de l’envahissante végétation efface peu à peu le ton mauve de l’aube. S’emmitouflant dans une légère brume, tel un mirage, la nature, insatiable, reprend sa vie. Cette scène improbable pour un occidental comme moi ôte toute vraisemblance à cette jungle.

Tantôt considéré comme un intermittent de l’amour, tantôt comme un soliste épanoui, là encore, je ne sais plus sur quel pied danser. Bientôt, il me faudra retourner d’où je viens, me ramenant ainsi à ma misérable solitude. Plus que quelques jours et il me faudra rentrer chez moi, loin d’ici, rejoindre mon minuscule 30 m2. Dans un mimétisme parfait, je partagerai à nouveau ce quotidien fade et aliénant de mes semblables urbains de la grande métropole. Peur du vide ? Révolte de mon inconscient jusqu’à alors muet ? Mon être passe en pilote automatique. L’air emplit de nouveau mes poumons. Mécanique, ma respiration me redonne un semblant d’allant. A nouveau, les mots jaillissent par surprise mais cette fois, mon sourire s’est évanoui. Le tambour qui remplace mon coeur cogne si fort que je ne m’entends pas. Ma bouche cesse d’articuler. Je crois que j’ai fini de parler. J’attends. Le temps est suspendu dans une seconde à l’allure éternelle. Elle ne m’a pas quitté des yeux. Sans hésitation, elle me répond. Le reste n’a plus d’importance.

Elle accepte.

 

Coincoins que j’M

 
 

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(E)prise dans la glace

Prise dans la glace

Prise dans la glace

 

Le temps glacial a rebuté les derniers candidats à une visite romantique de cette magnifique ville romaine qu’est Trier (Trêves). Les lumières tamisées jalonnent mon parcours. La neige fondue a cessé de tomber et donc de me gifler. Une fois la Porta Nigra franchie, mes pas me mènent au pied d’un immense bâtiment tout récemment rénové. La grille d’accès au patio central est entrouverte, je m’y glisse, restant fidèle à mon précepte « si c’est ouvert, c’est permis » 😉

 

Le jardin central a été remplacé. Désormais, un dallage grossier couleur sable recouvre entièrement toute la surface. Attristant. Le corridor, lui, est resté le même. Les plantes grimpantes ont été épargnées du massacre central. La face hivernale et nocturne qu’offre l’endroit est lugubre…mais paisible. Dans le silence sombre, un petit chuchotement régulier persiste. Parfois, il cesse…puis reprend. De petits tapotements rapides… et de temps en temps, comme un glissement. Je suis tout proche maintenant. Là, en bordure du corridor, sous une arche aux allures authentiques, un petit bonhomme, barbu, l’air appliqué, arqué, travaille patiemment, discrètement, inexorablement. Il perçoit ma présence, ne tourne presque pas la tête. Il concède à mon attention un léger clignement de son oeil droit que je devine pétillant.

Prise dans la glace détail

Prise dans la glace détail

Et là, sous ses mains, une magnifique sculpture glacée est en train de prendre forme. Je décide de rester quelques instants et d’assister à cette création naissante. Le vieil homme poursuit, ne s’interrompant jamais plus que quelques secondes. Il ne la contemple pas. Il se contente de la parcourir de ses mains. Il la parcourt. Il la chérit. Ce contact, aux connotations presque érotiques, le(me) fascine, nous fascine. Il la sent. Les formes saillantes de son oeuvre sont désormais très explicites. C’est une femme nue, au look cartoon indéniable et aux formes généreuses, les pieds prisonniers dans la glace. Ses seins ronds sont magnifiques, sa chevelure aérienne, ses hanches idéales, sa face anonyme. En ses pieds, une lumière jaune traverse le bloc gelé et baigne l’oeuvre des pieds à la tête. Rien d’autre ne parasite la scène sinon une nuance bleutée issue d’une « défigurante » enseigne voisine. Autour, l’obscurité est presque totale. Seule source de lumière,  la dame de glace semble jaillir de nulle part, je m’attends à ce qu’elle prenne parole.

 

Il est patient, il fignole. Ne s’attarde que très peu, ses gestes restent rapides et sont de plus en plus précis. Lui, le géniteur, ne s’embarrasse d’aucune fioriture verbale. Il ne tente pas de me séduire en m’expliquant son oeuvre dénudée. Il sait, il sent que je suis moi aussi (é)pris, fasciné par cette improbable éclosion. Il me laisse à mon émoi et à mon excitation. Il balaie lentement les quelques restes de glace. Il achève son travail en nettoyant les alentours et en rangeant consciencieusement ses outils. Cette fois, il me sourit de face, satisfait de son travail et de l’émotion qu’il suscite grâce sa création prisonnière et éphémère. Au delà de l’acte, l’échange est profond. Du ressenti, de la chair de poule (peu banal pour un canard, n’est-ce pas ?).

 

Je vais bientôt quitter le lieu. Sans vraiment savoir pourquoi, je suis triste. Je sais que cet amour temporaire se meurt déjà, il fond le long de ses formes si avenantes, l’eau coule. Le froid n’est en fait que ressenti, la température positive est impitoyable avec ma femme esquimau glacée. Je m’éloigne maintenant, doucement, légèrement courbé, résigné… Tout n’est qu’éphémère me dis-je. Je ne parviens pas à trouver ce qui pourrait être permanent en cette terre. Rien ne me vient. Rien n’est éternel, même pas moi.

 

Coincoins sculptés

 

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Jusqu’au bout de son rêve … (par et avec Mia)

Jusqu'au bout du rêve

Jusqu’au bout du rêve

Lazy dimanche en mode « robe de chambre ».

Aujourd’hui, je laisse la parole à Mia. Une fois n’est pas coutume, une autre « plume » qui ne sera pas une plume de canard cette fois 😀 Cette fois, il s’agit de la plume d’une belle colombe, avisée, maîtrisée et surtout animée par une belle imagination « positive » comme la suite de l’article va nous le montrer. Dans le cadre donc d’une collaboration inter-blog, elcanardo.net a la joie, la chance et, SURTOUT, l’honneur de vous présenter, ici, à la une, de ce modeste blog cet écrit estimable.

Suite à l’article contant l’histoire de Sophie la girafe en quête de sa « vraie » place puis celui mettant en scène ses proches à sa recherche, Mia, à travers un de ses plaisants commentaires, a accepté de me/nous dévoiler la suite des aventures de cette grande bringue. Les lignes qui suivent sont une reprise (copier/coller) dudit commentaire. Un grand merci pour l’autorisation de publier si joyeusement et gentiment donné ! Je stoppe mon « caquetage » (??!?) et laisse place au doux épilogue proposé ! Mia(m) Mia(m) !

 

Humm, décider de la fin, quelle lourde responsabilité. Et puis je n’ai pas ton talent pour les paraboles ni même pour conter mais… je vais m’attacher à cette bonne fin que tu me souhaites et la prendre comme une consigne ! ;)
Car même si je n’ai pas grand chose à voir avec une midinette, j’aime les histoires qui finissent bien et je veux croire en notre capacité à nous adapter et à surpasser nous-même ou les évènements.
Alors, j’imagine Sophie courant à une telle rapidité que ceci finit par se transformer en élan et que le désir profond qui l’anime se déploie peu à peu en elle, comme des ailes qui la porteraient.
Et c’est ainsi que peu à peu, elle prend de la hauteur puis s’envole jusqu’à toucher les nuages, apprécier leur douceur et leur légèreté et même… les dépasser.
Ouvrant alors soudain les yeux pour mieux savourer son bonheur, Sophie réalise alors le côté éphémère des nuages, leur absence de consistance et même la monotonie de leur couleur.
Elle décide donc de redescendre peu à peu vers un monde un peu plus dur, un peu plus dangereux aussi mais plein de couleurs et de saveurs différentes.
Et c’est ainsi qu’elle atterrit dans le port de Barcelone ! ;)

Son regard désormais porté sur eux

 

Coincoins !

 

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