Emotion (trop ?) forte

les plumes de l'année

les plumes de l'année

Olivia faisant un break pour des vacances certainement méritées, Asphodèle et ses plumes de l’année (en O cette fois) prend la relève : or – opale -orange – osmose – ode – obligation – offense – oh – ordinaire – orage – opportunité – ouvert(e) – onirique – obsession – ombrelle – obéissance – oubli – octave – orgue(s) – océan – orme – orchidée.

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Avertissement : Ce récit n’est pas une pure fiction. Réellement vécu il y a quelques jours seulement, c’est en compulsant la liste des mots en O que l’idée m’est venue de partager avec vous ce moment si particulier à mes yeux. Seuls les prénoms ont été changés.

Le point d’orgue émotionnel de notre séjour à Port Aventura (Salou – Espagne) avait été sans aucun doute ce moment-là. Au fil des deux précédents jours, Louis, 14 ans, le plus âgé des trois ados, avait développé une « petite » obsession. D’ordinaire si calme, il n’avait cessé de revenir sur ce sujet : il voulait à tout prix se retrouver au point le plus haut du parc d’attractions. L’orage venait juste de cesser, délivrant une véritable ode à Océan (ou Océanos – dieu des eaux et ainé des titans). Une myriade de ponchos oranges en plastique était apparue sur les épaules des quelques visiteurs qui n’avaient pas fui mais qui avaient été dans l’obligation de ranger ombrelles et crèmes solaires. En constatant la faible affluence et donc la faible attente nécessaire, Louis avait trouvé là une opportunité unique et avait fini par tous nous convaincre. Son frère, Octave, douze ans, lui faisant preuve d’une aveugle obéissance avait rapidement cédé. Il avait juste laissé échapper un faible « oh » de surprise puis, résigné, avait acquiescé. Jusque là en parfaite osmose avec ses deux amis, Esteban, mon fils, s’était contenté d’emboiter le pas en s’engouffrant sous le portique d’accueil annonçant en lettres d’or la terrifiante attraction, le « Hurakan Condor ». Moi, l’adulte, ouvert et souhaitant éviter toute offense, j’avais juste un peu regretté à cet instant que cette idée ne soit pas tombée dans l’oubli.

Aux yeux du plus grand des enfants, l’expérience s’annonçait onirique. Nous embarquâmes en file indienne et prîmes place dans des sièges habilement décorés de faux orme. Troisième plus grande « tour de chute » au monde mais horriblement décorée d’énormes prétendues opales et orchidées, , le « Hurakan Condor » annonçait un programme inquiétant. Vingt personnes (assises dans des gondoles de quatre) sont offertes en sacrifice au dieu des tempêtes et du vent, Hurakan, lancées dans le vide de la « plus haute tour sacrée ». Les 100 mètres d’ascension se firent à une vitesse rapide mais finalement très douce. Le panorama des alentours que nous découvrîmes était d’une beauté à couper le souffle. C’est dans un silence glacé et avec pour seul compagnon le vent qui soufflait encore fort, que nous atteignîmes le sommet. Nous attendions dès lors, les pieds suspendus dans le vide, le moment fatidique de la chute annoncée : 3 secondes à 115 km/h exerçant sur nos corps une force de trois fois la gravité (3G).

Sans un bruit, le dispositif d’élévation qui nous avait monté jusque là « lâcha » notre gondole. Octave fut le seul à s’exprimer (de peur?) en lâchant quelques mots que je ne pus distinguer sur le moment. Notre embarcation fila à la vitesse vertigineuse promise et le tout fut à peine plus long qu’une inspiration. La (très) forte émotion passée mais encore quelque peu déboussolés, nous nous retrouvâmes au stand photo à admirer le cliché que la machine savamment disposée à cette attention avait fait. Tête baissée, Octave restait étrangement calme et silencieux. Discrètement, laissant de côté Louis et Esteban s’entr’enthousiasmaient, je fis face au jeune rouquin. Son teint m’apparut beaucoup plus blanc qu’à l’accoutumée. Il était livide. Ses grands yeux verts étaient embués. Le cœur dans un étau, je le questionnai à propos des mots qu’ils avaient eu avant le lâcher dans le vide. Il avala péniblement sa salive, une larme roula sans précaution sur le lit de tâches de rousseur de sa si jolie frimousse. Ce qu’il me dit alors, je l’entends encore aujourd’hui, provoquant en moi un vif et tenace trouble : « A ce moment-là ? J’ai juste crié : JE VAIS MOURIR ! ».

Chute de Coincoins

Ce texte n’est pas libre de droits.

:-)

Hurakan Condor

Hurakan Condor

Encore un peu de temps en liberté

 

Désir d'histoires

Désir d'histoires

Désir d’histoires no 60 et ses mots : myriade – vide – lundi – (saturnale)s – grenouille – bulle – icône – silencieuses – astuce – savoir-vivre – valise – étourderie – soif – plaine – kaléidoscope – (syndérèse) – fièvre – trottoir – renverser – paupière – surprise

Ici, les autres textes !

 

 

 

 

« Telles des aiguilles, les rayons du soleil transperçaient mes paupières pourtant lourdement fermées. Instinctivement, je me suis renversé sur le côté. J’avais les jambes mouillées jusqu’aux mollets, léché par les vagues. Le sable que je touchais du bout de mes doigts ne m’a alors laissé aucun doute. Je me réveillais sur une plage. Le son du ressac m’a donné la nausée. Mon estomac s’est contracté violemment, tous mes muscles l’ont suivi, un spasme de douleur m’a secoué le haut du corps. Laissant échapper un filet bileux à l’odeur et à l’acidité caractéristiques, le sable s’est mêlé à mes lèvres puis agrippé à ma langue rêche. Écorché, blessé, coupé, chaud, mon corps entier n’était qu’une plainte sourde. La fièvre s’était emparée de moi anéantissant par la même toute capacité à raisonner, à fonctionner. Je ne parvenais pas à éclaircir mes pensées, seulement capable de ne percevoir que le vide en moi et autour de moi. La luminosité trop forte m’a repoussé vers une première touffe de végétation exotique qui flirtait avec le bord de mer. Je me suis écroulé dans les hautes herbes, laissant la légère brise recouvrir mon corps endolori de son souffle apaisant… C’est à ce moment-là que ma conscience a de nouveau cédé à la volupté du néant… »

Voilà, ces quelques lignes résument les premières choses dont je suis capable de me rappeler de toute mon existence ! Avant ce réveil dans l’inconnu, tout est blanc. Comme si quelque entité supérieure avait fait un reformatage complet de ma personne. Plus aucune information me concernant personnellement ne me revient pour le moment. Où suis-je ? Que s’est-il passé ? M’attend-on quelque part ? Est-on en train de me chercher ? Déroutant, déboussolant. Je ne sais plus qui je suis ni d’où je viens. Je suis là, assis sur un frêle matelas de verdure, comme la grenouille au réveil sur son nénuphar séché cherchant à comprendre où est passée la Mare disparue pendant son sommeil. Cette remise à zéro de mon compte « vie » m’absout de toutes ces choses que j’ai pu faire dans le passé. Intervention divine ou résolution raisonnée, quoiqu’il en soit, toute syndérèse (*) devient aujourd’hui inutile. Sans plus aucun contexte social ou économique, je n’ai plus à me mesurer à des icônes inaccessibles, à respecter un quelconque savoir-vivre ou à être capable d’un savoir-faire. Je me retrouve dans cette bulle paradisiaque ne sachant pas ce que j’ai perdu ou peut-être gagné. Plus de lundi, plus de weekend, plus de gens qui font la gueule, plus de crottes à éviter sur le trottoir, plus de règles ni de contraintes à respecter. Toutes les réticences initiales m’interdisant le lâcher prise qui me taraudait depuis que j’ai émergé dans cette inespérée parenthèse sont devenues désormais silencieuses. Incroyable, il n’aura fallu que quelques jours pour que mon instinct prenne le dessus et se libère de tous mes clivages sociaux et intellectuels.

Comme au lendemain de dantesques saturnales (**), ma gorge, torturée par la soif que les maigres noix de coco n’épanchent guère, semble enchevêtrée dans un fil de fer barbelé. Mais je ne vais pas me plaindre, la mer a été bonne avec moi, elle semble veiller sur ma petite personne. A quelques brassées de là, au pied de la falaise se situant au couchant, elle a retenu dans ces rochers coupants une grande partie de ce qui semblait être un bateau de plaisance. J’ai pu y retrouver une cantine à peine endommagée pleine de victuailles, deux trousses de premier secours, quelques livres à peine abimés, des stylos, plusieurs cahiers vierges, un sac de vêtements qui semblent tous m’aller, une couverture de survie, une petite valise pleine à craquer de billets de banque… Avec un peu d’astuce, je vais pouvoir m’améliorer le quotidien avec tout ça. Je n’ai malheureusement réussi à mettre la main sur aucune indication nominative, ni temporelle. Mon premier sentiment est que j’étais seul sur ce bateau, probablement en quête de solitude et de recueil. Cherchant certainement à amarrer, la barre sous le vent, une étourderie de navigation m’aura amené à m’approcher trop près et à échouer sur ce lit de rochers à fleur d’eau. La corde de sécurité que j’ai retrouvé ne laisse aucun doute sur le fait que n’étant pas attaché, j’ai du voler par dessus bord. L’île paraît peu étendue, je reporte pour le moment toute expédition en son sein, une plaine semble s’ouvrir vers le levant, derrière l’épais mur de végétation dans lequel je me suis pour le moment réfugié.

Parfois, comme un film mal monté, certaines séquences d’une autre vie me reviennent. Explosés, saillants et surgissant de façon impromptue, ces souvenirs en kaléidoscope me déroutent me plongeant dans un état de béatitude profond. Je suis incapable de dire si ces douloureuses poussées proviennent d’un véritable vécu. Ce que je ressens assurément, c’est que tout mon être les repousse désormais. À ma grande surprise, une fois rasséréné, je ne me sens ni seul ni déprimé ni même en manque. Je prends la vie comme je respire, une bouffée d’air après l’autre. Il fait déjà très sombre maintenant, j’ai assez écrit pour cette première fois, mes doigts s’enraidissent encore très vite. Les nuits tombent vite sous cette latitude, je dois être proche de l’équateur. Le voile obscur des ténèbres à peine en place, c’est un nouveau spectacle de lumières qui commence. Là, assis face à la mer, les cheveux au gré du vent marin frais, je me laisse cerner par la myriade d’étoiles. Comme autant de points d’interrogation dans mon esprit, elles font scintiller de leur éclat énigmatique l’infini écrin voûté.

J’aime ma nouvelle existence d’être « réellement » vivant. Je ne scrute déjà plus autant l’horizon, fusée de détresse à la main. Je me surprends même à souhaiter qu’au moins pour un temps on m’oublie, qu’on me laisse encore un peu de temps en liberté.

Coincoins échoués

Ici, la suite … « Baisse la tête, je vais … »

 

(*) syndérèse : remords de conscience (référence : http://littre.reverso.net/dictionnaire-francais/definition/synd%C3%A9r%C3%A8se/71767)

(**) saturnales : (référence : http://littre.reverso.net/dictionnaire-francais/definition/saturnales)

Ce texte n’est pas libre de droits.

🙂

 

 

Les jardiniers de l’arbre de mon quartier

plumedesmotsunehistoire3

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Désir d’histoires de cette semaine (no 59) et ses 26 mots :

douleur – narcisse – irénisme – lilas – choix – fiançailles – mensonge(s) – forme – retour – diamant – photophore – tambourinage – branche – reflet – prisme – réitéré(e)(s) – espérance – papillon – souvent – purgatoire – désirable – série – folie – argentier – controverse – peine

Les autres textes ici !

 

 Avertissement : Ce récit est une pure fiction. Par conséquent, toute ressemblance avec des situations réelles ou avec des personnes existantes ou ayant existé ne saurait être que fortuite.

 

 

Sans mensonge ni dispute, sans tambourinage ni esclandre futile, ce fut une histoire d’amour sans douleur ni peine inutile, sans chichi ni ornement froid de diamants. Le reflet de leur relation était à l’image exacte de leur relation : modeste et authentique.

Lili et Léon, « petits » vieux attendrissants aux regards délavés comme seul le temps sait le faire, étaient devenus au fil du temps les « grands-parents » de tous les habitants de notre quartier. Ils avaient consacrés toute leur énergie de fin de vie à essayer de rapprocher les gens. Mieux que personne, ils avaient su insuffler l’espérance là où le purgatoire semblait la destination inévitable. On se plaisait à dire d’eux qu’ils auraient été capables de réconcilier « Narcisse et Echo » (*) tant ils faisaient preuve d’un irénisme sans limite. La moindre controverse trouvait apaisement et raison éloignant les coups de folie vers d’autres rivages. Leurs détachements des biens matériels en faisaient des argentiers voués à la faillite et ils prêtaient parfois au delà de leurs moyens mais là n’étaient point leurs tourments. Ensemble, ils semblaient intouchables malgré les tempêtes sociales réitérées qui pouvaient s’abattre sur nos petites ruelles. Selon eux, ce sont les branches d’un arbre qui le rendent fort et résistant, et non pas simplement la robustesse de son tronc. Chacun d’entre nous était ces branches, nos bois et feuillages étaient entretenus par ce merveilleux couple de jardiniers de la vie.

Malheureusement, « le temps passe et la mort vient ». Ce soir, chaque fenêtre, chaque pas de porte, chaque bord de cheminée accueille petites bougies ou photophores animés de leur flamme hésitante. Ces petites lumières illuminent tous nos endroits comme Lili et Léon avaient éclairé jusqu’à alors le quotidien de chacun : discrètement, tendrement, doucement. Le pire était arrivé. Quelques heures à peine avaient suffi à remarquer l’absence du couple qui semblait jusqu’alors éternel. On avait entr’aperçu Léon déambuler toute la matinée, de son pas cassé mais décidé, entre l’arrière de la maison et son jardinet. Le visage fermé mais à peine plus creusé qu’à l’accoutumée, il allait et venait. Dehors, par gestes lents et précis, il coupait généreusement les petits arbustes de lilas tout en soignant sa cueillette qu’il rentrait à l’intérieur au fur et à mesure. Au retour, les bras chargés, il avait plusieurs fois refusé, avec son sourire habituel, l’aide amicalement proposée par son voisin. Non, vraiment, rien ou presque n’aurait pu laisser présager la suite.

Les lilas de Lili…. Ils avaient fait revivre cette fleur dans notre quotidien, ce suave symbole amoureux, bien souvent oubliée. Lili, dans son infinie patience, en avait cultivé dans la plupart des jardins aux alentours, variant les couleurs, panachant les variétés selon les personnes à qui elles les destinaient. La lumière changeante au gré des heures et des saisons délivrait alors des couleurs pastelles insoupçonnées. Ravie, surprise comme à la première fois, elle était même émue devant le spectacle de ce prisme végétal naturel. Elle se plaisait à rappeler que cette plante était empreinte de pureté et d’innocence, ne s’offrant à l’origine qu’aux femmes à la morale exemplaire. Et c’est ainsi, qu’à chaque floraison, les habitations se retrouvaient dès lors honorées.

Léon s’était affairé jusqu’en début d’après-midi, ce qui en soit était bien surprenant étant donné qu’à l’accoutumée, vers les onze heures, il rejoignait Lili aux fourneaux afin de préparer quelques mets délicieux et parfumés dont eux seuls semblaient détenir le secret. En fin de journée, le voisin, intrigué par la quiétude des lieux, était venu frapper à la petite porte de derrière laissée entrouverte. Il la repoussa doucement. Un petit grincement sinistre déchira le silence chauffé par cette belle fin de journée. Des effluves floraux inondèrent immédiatement le pas de la porte repoussant dans un premier temps le visiteur. Celui-ci pénétrant les lieux eut alors une deuxième surprise : la maison était complètement tapissée et garnie de lilas. Enivré par la violence des senteurs, le voisin tituba puis rejoint le petit couloir qui menait aux chambres. « Lili ? , Léon ? » se risqua t’il tout en laissant vagabonder son regard sur les moments de vies exposés au long de centaines de photos jalonnant le passage. Pas de réponse. Un léger halo s’échappait de la chambre des deux tourtereaux, la petite angoisse naissante dans le bas ventre s’accentua. Quelques pas plus loin, il trouva Léon qui fixait Lili, allongée sur le lit dans une de ses plus belles robes. On devinait à l’expression du vieil homme, que sa femme lui apparaissait aussi belle et désirable qu’au jour de leurs fiançailles. Coquettement apprêtée, mais sans souffle et au teint anormalement livide, elle semblait s’être assoupie. Le voisin laissa échapper un petit cri d’effroi qui brisa le charme morbide de la scène. Léon, les yeux noyés par le chagrin, tourna la tête vers lui, il semblait terrassé par la fatigue et le tourment. Comme échappées des chaines de la raison, la douleur et la détresse se glissèrent alors hors de son corps dans un long déchirement sonore mélancolique, étranglé par l’émotion insoutenable…

Quelques jours sont passés maintenant. Je ne dors pas. Il est très tard pourtant. Pris d’assaut par les larmes, assis sur le banc du petit jardinet, je regarde les petites lumières qui font danser les papillons de nuit, révélant dans l’obscurité d’improbables formes de la Vie. La longue lamentation de Léon résonne toujours à mes oreilles, désarmante et tellement poignante. Pov’ vieux, il ne s’en remettra sûrement jamais. Mes larmes me submergent à nouveau. Entre mes lèvres, les mots s’entrechoquent me faisant chevroter. « Tu me manques terriblement Lili, tes lilas fleuriront indéfiniment nos âmes et nos allées. Je te le promets grand-mère. »

 

Coincoins éternels

 

(*) L’un, fils d’un dieu, amoureux de son reflet et incapable d’ « aimer », l’autre, nymphe punie (par Héra, femme de Zeus) qui ne pouvait plus se servir de sa voix hormis pour répéter des mots qu’elle venait juste d’entendre. Éperdument amoureuse de Narcisse qui lui ne voulait d’aucun réel amour, Echo mourut de chagrin jusqu’à ce qu’il ne lui resta plus que sa voix. Par la suite, piégé par Némésis, Narcisse perdit la vie en ne sachant pas détacher le regard de son propre reflet d’une eau où il était venu se désaltérer. Se contemplant, amoureux de lui-même, il mourut en cette place où son propre sang fit pousser une bien belle fleur blanche que l’on appela Narcisse. Avec des illustrations…ici -> http://www.jesuiscultive.com/spip.php?article364

 

 

Ce texte n’est pas libre de droits.

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