Double dose

Je ne peux me résoudre à mettre à la trappe le désir d’histoires no 65 et je l’associe donc au no 66… L’aventure continue !!! Voici la liste cumulée des mots (50 au total) :

Désir d'histoires

Désir d'histoires

encens  – amour – marin – coquinerie – embruns – albinos – baie – ténébreuse – naufrage – pins – affiche – balai – ballon – phare – râler – froc – flot(s) – communion – mouette – sel – velours – changement – mammouth – réale – au revoir – chocolat – nuage – moustique – calendrier – burlesque – candide – orage – canaliser – déluge – caresse – antidote – craquant – quatrains – calvitie – briquet – soleil – amadou – hallucinant – genou – foudroyer – mousse – promesse – langue – fesses – colère.

Les autres textes, ICI.

Avertissement : Ce récit est une pure fiction. Par conséquent, toute ressemblance avec des situations réelles ou avec des personnes existantes ou ayant existé ne saurait être que fortuite.

Les épisodes précédents :

  1. Encore un peu de temps en liberté… (Désir d’Histoires no 60) : à l’instant présent, réveil d’un personnage « coincé » sur une île et coincé dans ses souvenirs.
  2. « Baisse la tête, je vais… » (Les Plumes de l’Année en lettre P) :  dans un passé à peine passé (du moins semble t-il…), ce même personnage se retrouve en train de courir, pourchassé mais guidé, il fonce … tête baissée.. gare …
  3. Mis entre parenthèses (Désir d’Histoires no 61) : Suite à son rêve teinté de réalité, le héros revient à lui, toujours « coincé » sur son île. Inquiet, il décide d’explorer les environs et fait une troublante découverte.
  4. Brûler les traces (Désir d’Histoires no 62) : Retour vers le passé pour partager le début de ce qui s’annonce être une traversée d’est en ouest de la France. Mais avant tout, il s’agit de faire un peu le ménage
  5. Prisonnier des eaux (Désir d’Histoires no 63) :  Enquête sur l’origine des empreintes découvertes sur l’île dans un décor qui tourne au cauchemar climatique, Nathan obtient la confirmation de cette présence et recouvre peu à peu la mémoire
  6. Courte transition (Désir d’Histoires no 64) : Halte dans un bistrot en « banlieue nancéenne », le temps de se préparer pour la suite de la virée qui doit mener l’équipée au port de Biarritz.

 

Retour sur l’île. Les éléments se sont déchaînés… et notre héros lui va connaître d’autres chaines…

Quelle étrange sensation que celle d’émerger de l’insondable profondeur des limbes de l’inconscience, de revenir au présent en faisant face au même regard que celui que vous veniez de croiser juste avant de refermer à nouveau ce classeur si mal rangé qu’est devenue votre propre mémoire. Ce regard est profond, presque candide. Elle mordille doucement sa langue, choisissant certainement déjà les mots qu’elle va m’adresser. Ses yeux sont d’un marron presque transparent, troublant et irréel. Elle se tient face à moi, elle a encore la main levée de l’ordre qu’elle vient de donner. Un homme à la chevelure albinos et à la carrure impressionnante laisse rouler le seau vidé sur ma tête. Il s’écarte, décryptant mes réactions. Je prends conscience peu à peu de la scène. Ficelé du cou aux chevilles, sur une chaise défoncée et rouillée, mes hôtes me tiennent en respect, calmes, unis dans une malfaisante communion. Un deuxième homme, plus jeune, aux traits anodins et à la calvitie précoce, se tient en retrait. Il porte un uniforme marin aux coutures élimées par le sel et au bas de froc déchiré. Nerveusement, il tripote une arme de gros calibre. Les cris des mouettes à l’extérieur et la lumière du soleil peinent à franchir les hublots de ce qui semble être la cale d’un gros bateau. La nuit dernière, dans ma petite cachette, je me souviens avoir patienté longtemps que le déluge du foudroyant orage se calme enfin. Les nuages monstrueux ont uriné en de longs flots sur le bas-relief de la ténébreuse baie du naufrage. Quand le vent n’est devenu alors qu’une simple caresse d’embruns, j’eus enfin le courage de rebrousser chemin, chassé par les moustiques qui avaient envahi les lieux pourris par la mousse et le lichen humides. À peine avais-je rejoint le petit chemin, épuisé et piqués de toutes parts, que le plat d’une main énorme, large et dure comme un manche à balai, s’abattit lourdement à la naissance de mon cou. Je perdis presque instantanément connaissance…pour me retrouver quelques heures plus tard, ici, en cale sèche et en bien dangereuse compagnie.

« Cela doit être TRÈS douloureux… »

me glissa t-elle au creux de l’oreille, joignant le geste à la parole en m’enfonçant son index à l’ongle saillant et pointu au point de l’impact. La grosse brute aux cheveux oxygénés laisse échapper un petit cri inquiétant de plaisir, ne pouvant s’empêcher de mimer plusieurs fois le geste coupable s’abattant sur mon encolure. Je proteste, râle en tentant de me dégager. Elle insiste encore un peu, frottant légèrement le souple velours parfumé de son élégant tailleur contre ma barbe hirsute et mon genou. Elle retourne lentement à sa place, me laissant au passage admirer sa silhouette de mulata cubaine aux fesses généreusement rebondies. Elle se retourne. Son visage aux teintes profondes de chocolat noir pourrait être celui d’un ange vantant sur une affiche les saveurs hallucinantes du Paradis. Elle se sait troublante, attirante, menaçante…craquante. Je la foudroie du regard. Je ne parviens plus à canaliser la sourde colère qui gronde en moi, enflammée par cet excès de coquinerie, attisée par la fatigue de cette course sans fin et par ce danger inconnu qui me cerne, aveuglée par la terreur qui désormais me tenaille. Je me savais capable de ressentir les plus belles émotions de l’amour, mais je ne me connaissais pas ce costume de haine que je viens de revêtir. Étranglé par la rage, je tire exagérément sur mes liens qui immédiatement entaillent ma chair. Je grimace, victime d’explosions de larmes dans les yeux et de douleur tout au long de mon corps impitoyablement meurtri, l’étau se resserre. Elle secoue légèrement la tête, simulant la déception tout en me laissant percevoir qu’elle savoure cette souffrance instantanée qu’elle engendre.

« Il n’y pas d’autre issue que celle de la vérité mon cher Nathan. Te taire ne te rapportera pas un Real(*)… L’antidote à cette situation empoisonnante, toi seul est capable de le délivrer et crois-moi…de gré ou de force, nous parviendrons à nos fins. Je t’en fais la promesse.».

Et comme pour illustrer ces piètres métaphores burlesques, elle invite son acolyte peroxydé à entrer en action. Il s’absente quelques instants, je l’entends déverrouiller un mécanisme à la sonorité métallique rouillée. Un grincement déchire le silence oppressant, une lourde porte vient de s’ouvrir. Précédant le géant à la démarche de mammouth, un visage familier très présent dans mes rêves récents apparaît. Malgré un changement profond d’attitude, les pieds traînants et les épaules voûtées, le visage tuméfié, je reconnais mon garde du corps – dératiseur. Vigoureusement empoigné à l’épaule, pincée par l’énorme main, Wens se déplace tel un automate, les yeux vitreux, comme ceux d’un animal hypnotisé par les phares du véhicule qui fond sur lui. Il est là mais semble ignorer totalement ce qui se déroule autour de lui.

« Tu vois ? » reprit-elle « Tu peux dire au revoir à tes espoirs de sauvetage, tu es vraiment seul maintenant. Je tiens à ce que le dernier quatrain de cette cavale qui n’a déjà que trop duré soit le moins douloureux possible. Mon calendrier devient plus que serré, on attend de moi des résultats et nous n’avons plus le temps de jouer au ballon… ».

Elle fait tourner sur la table une flasque argentée marquée à la main « Amadou (**)» puis imbibe un vieux chiffon du liquide noirâtre qu’elle extrait méticuleusement de la petite bouteille. Ne dissimulant plus sa jouissance, un sourire carnassier défigure ses lèvres charnues, elle approche de mon nez le tissu au relent lointain d’encens et de pins. Dans son autre main, elle fait naître une flamme hésitante de son petit briquet doré…

« Tu ne le sais sûrement pas encore, mais je suis délicieusement persuadée que tu vas vite BRÛLER d’impatience de te confier à moi !!!».

 

 

Coincoins doublés

 

La suite, ici : Entre deux eaux

 

(*) Real : Ancienne monnaie espagnole qui valait un quart de peseta.

(**) Amadou : Substance spongieuse tirée de l’amadouvier et préparée pour s’enflammer facilement.

 

Ce texte n’est pas libre de droits.

:-)

Mis entre parenthèses

Désir d'histoires

Désir d'histoires

Olivia étant de retour, nous voici repartis pour un « désir d’histoires no 61 » dont voici la liste des mots (27 au total, tous repris dans ce texte) : hiberner – sentiment – tendresse – cachette – étagère – indécis – traîner – émanation – garnements – manque – spinalien – béant – désorienté – interdit – nocturne – caricature – caractère – banalisé – dosage – bleu – isoloir – enquêter – lointain – épaule – train – repartir – voyage.

Les autres textes ici 🙂

 

Avertissement : Ce récit est une pure fiction. Par conséquent, toute ressemblance avec des situations réelles ou avec des personnes existantes ou ayant existé ne saurait être que fortuite.

Les épisodes précédents :

  1. « Encore un peu de temps en liberté… » (Désir d’Histoires no 60) : à l’instant présent, réveil d’un personnage « coincé » sur une île et coincé dans ses souvenirs.
  2. « Baisse la tête, je vais… » (Les Plumes de l’Année en lettre P) :  dans un passé à peine passé (du moins semble t-il…), ce même personnage se retrouve en train de courir, pourchassé mais guidé, il fonce … tête baissée.. gare …

Le texte qui suit se propose de ramener le lecteur à l’instant présent. Le temps passe mais les interrogations subsistent… :

 

Retour au présent …

« Il est temps de prendre le large … »

Ces derniers mots viennent déchirer le voile de ce rêve à l’accent et au goût prononcés de la réalité. Souffle coupé, recouvert d’une fine pellicule de sueur, me voici de retour dans le monde de la conscience. Le bruit de la mer me ramène définitivement à l’instant présent. J’écarquille les yeux et plonge dans l’obscurité ambiante, les étoiles sont là, elles veillent. Glacé par cette sensation bizarre d’avoir revu mon passé (récent ?) à travers ce nouveau flash. Tout semble si réel et la répétition de ces turbulences nocturnes durant les dernières nuits accentuent cette impression sans que je puisse déterminer le dosage entre fiction et réalité. Je serais donc en cavale. Désorienté, ma mémoire reste un abysse béant dont les bords rejoints me semblent bien tranchants. Je manque cruellement de repères pour réconcilier ces séquences qui m’assaillent. Quel étrange sentiment, celui de ne pas se reconnaître, celui de ne pas réussir à trouver la cachette de son vrai « moi ». Comme si un sens interdit avait été placardé à l’entrée de ma conscience, celle-ci s’est retirée au fond de moi afin d’hiberner. D’un coup d’épaule, il me faudrait faire voler en éclats cette porte qui m’occulte de moi-même.

Les rares émanations qui me reviennent sont à la limite de la caricature du roman policier : un jeune garnement de la finance en fuite, épaulé par un protecteur « dératiseur », énigmatique et terriblement efficace, des partenaires et/ou ennemis puissants lâchant aux basques du fuyard un duo de tueurs malfaisants finalement neutralisés. Un vrai festival spinalien du mauvais polar, de ceux qui polluent les étagères des librairies de gares, banalisant ainsi une littérature « noire » en mal de lettres de noblesse. On devine leurs auteurs coupable de médiocrité, en mal d’inspiration et en besoin urgent de rentrées financières. Et que dire de la suite qui se dérobe encore ? En route vers le sud de la France, je sombre (drogué par la barre de céréale ?) dans un sommeil lourd pour me réveiller à l’abri des étoiles sous une lointaine latitude.

Je reste indécis quant aux actions à mener dorénavant. Ces deux jours déjà passés sur cette île ne m’ont permis de découvrir que peu de choses. Quelques débris du bateau échoué non loin de là commencent à s’échapper des rochers. Certains viennent s’échouer sur le sable, d’autres préfèrent traîner au large. Rien de significatif. Que faire ? Quitter ce lieu aux décors paradisiaques ? Et si je le voulais, comment repartir ? Il me faudrait certainement beaucoup de temps afin de préparer ce voyage. Et, au train où vont les choses, finalement rien ne presse. Je ne me suis pas installé de mon propre gré dans cet « isoloir » de l’autre côté de la planète mais les conditions de subsistance pourraient être plus difficiles. D’ailleurs, ma présence ici n’est-elle vraiment que le fruit du hasard ? Je ne sais pas si c’est le fruit de mon imagination mise à rude épreuve ou cette mise en quarantaine forcée, mais j’ai de drôle de sensations. Me sentant parfois observé, j’ai le sentiment bizarre que quelqu’un ou quelque chose veille sur moi. Ne vaudrait-il pas mieux retourner sur l’épave pour enquêter ?

Le soleil est en train de poindre de l’autre côté, on peut sentir la chaleur naître depuis le cœur de l’île. Le ciel fait son ménage se débarrassant des nuages de la nuit à coups de rayon et se pare graduellement du bleu léger des débuts de journée équatoriale. Spectateur privilégié, j’ai su apprivoiser cet instant au caractère magique riche de douceur et de tendresse. Ce matin, les oiseaux ne chantent pas, la forêt alentour semble retenir son souffle. Je décide de m’éloigner du rivage et d’aller voir de plus près cette plaine qui semble se trouver non loin de mon refuge. Je me dirige désormais vers l’Est, cap vers le soleil naissant. Je progresse lentement à travers une bande épaisse de végétation. Malgré le décor luxuriant et un relief qui s’élève rapidement, je devine à ma droite, le Sud donc, les falaises et rochers qui retiennent le bateau à la coque fracassée. Le paysage s’ouvre lentement en une large clairière. Inexplicablement tendu, j’observe la nature diverse et spectaculaire du lieu. Bien que ces terres sont en apparence totalement vierges, le curieux pressentiment d’une présence me saisit à nouveau. Je scrute avec plus d’attention les environs… sans succès. Je secoue lentement la tête. C’est à cet instant de relâchement que mes yeux rencontrent alors l’improbable. Stupéfait, mon coeur bondit dans la poitrine. Là, à quelques mètres de moi, je la distingue dans la terre meuble et encore humide de fraîcheur… Bien que l’on (ON ?) a tenté négligemment de l’effacer, je distingue une trace dans le sol. Chancelant sous l’émotion, je décide de poursuivre dans la direction qu’elle semble indiquer. Un peu plus loin, je découvre une autre trace… et encore une autre, plus proche. Cette fois-ci, le doute s’envole. Il s’agit bien d’empreintes de pas…

Je ne suis pas SEUL.

 

Coincoins suspendus !

 

Ici, la suite … Brûler les traces

 

 

Ce texte n’est pas libre de droits.

:-)