Tambour battant

Les plumes de l'été

 

Les plumes de l’été 20 – Collecte des mots en T avec 18 mots proposés par les participants au jeu organisé par Asphodèle :Temps – taillader – thé – triturer ou se triturer – titiller – tortue – talentueux (se) – toucher – transfigurer – témoin – totem – table – turbulence(s) – transfert – terre – tomate -tonneau – terminer.

Les autres textes, ICI.

Avertissement : Ce récit est une pure fiction. Par conséquent, toute ressemblance avec des situations réelles ou avec des personnes existantes ou ayant existé ne saurait être que fortuite.

Les épisodes précédents sont réunis dans une seule et même page, ici, Work in progress (Écriture en cours).

La voie sans issue se profile. Improbable, elle déstabilise les acteurs jusque-là si déterminés… de façon temporaire ou définitive ?

Le temps s’est arrêté. Mes lèvres asséchées épousent presque parfaitement le canon de l’arme engouffrée dans ma bouche en O. Prenant conscience du goût nitré de la poudre qui titille ma langue, je ne peux réprimer une grimace. Je déglutis dans le vide ne ramenant de mes entrailles qu’un souffle fétide et chaud. La stupeur dessine un point d’exclamation improbable sur le visage de Wens, stupeur ponctuée par sa propre bouche imitant la mienne. Prêt à me taillader quelques instants auparavant, il hésite. Mon invitation à mettre un point final à toute cette folle équipée durant laquelle je ne parviens plus à dissocier mes alliés de mes ennemis vient de stopper tout net son élan. Il bluffait. Je le vois dans ce tressaillement sur son visage qui vient de se terminer sur son menton. De nouveau proche de l’asphyxie, je sens une rougeur naître sur mon front qui se propage jusqu’au bas de mes joues et qui commence à m’étrangler. Il tarde à réagir. Tel un joueur d’échec se triturant les méninges, il semble évaluer la situation mais ne pas trouver la pièce suivante à bouger.

Mon talentueux « protecteur » est transfiguré. Emblème de l’efficacité redoutable et de la confiance en soi, ce totem du parfait tueur tombe le masque et revêt enfin une image un peu plus humaine. Persuadé que je m’étais mis à table lorsque notre hôtesse « imposée » avait eu la troublante inspiration de s’en prendre à mon « service trois pièces », il vient vraisemblablement de se raviser. J’ÉTOUFFE. D’un rouge tomate tournant au violacé, les dernières forces me désertent, je tente de lui parler, de le toucher. À la vitesse d’une tortue sous calmants, je ne parviens qu’à me repousser un petit peu plus en arrière, traînant mes fesses à terre, dos appuyé désormais contre un vieux tonneau. Il ne relâche pas l’étreinte, plus que jamais ma gorge se resserre. Je ferme les yeux, l’inconscience s’empare de mes pieds et envahit déjà mes jambes remontant vers mon esprit qui s’embrume au rythme inexorable du sablier. Dans cette agonie interminable, le tangage de notre bateau dessine dans la mer les sillons de mon inéluctable plongée dans les méandres. Je déglutis violemment et dans une énième convulsion accompagnant ce renvoi, je fixe l’horizon au-delà des épaules de mon agresseur.

À quelques brassées de notre position, la pointe d’un speedboat vient d’apparaître. Rocio, la panthère cubaine à nos trousses, encadrée par deux molosses aux visages jusqu’alors inconnus, se tient au poste de commande. Témoins de cette improbable scène, ils nous observent, menaçants. Ma conscience presque perdue claironne dans ma tête :

« En raison d’une nouvelle zone de turbulences que nous allons traverser, nous demandons à nos aimables passagers d’attacher leurs ceintures et de finir rapidement leur thé s’ils ne veulent voir celui-ci se renverser… »

Décidément, sous stress, je développe un sens de l’humour bien macabre. J’ai à peine le temps d’esquisser un rictus de sourire digne de la plus belle des âmes perdues que Wens se remet en action. Dans un mouvement de bascule latéral, il opère un incroyable transfert de masses entre ma propre personne et lui-même. La bouche enfin libérée, je reprends une large respiration, diaphragme ouvert toutes voiles dehors. La vie coule à nouveau en mes veines. Wens est passé derrière moi. Je me retrouve ainsi de nouveau entre alliés et ennemis. Il me colle l’orifice de cet affreux pistolet contre ma tempe encore bourdonnante et glisse tranquillement ces quelques mots :

« Ouvre le bal, chérie… et je te promets que nous serons TOUS perdants ! »

Coincoins battants

 

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