Mise au point

Désir d'histoires

Désir d’histoires no 74 et ses mots imposés :

avantage – artichaut – réflexion – bizarre – loupe – collaboration – éruption – totalité – surplomb – obstacle – quarantaine – sérail – (ziggourat) (a été donné pour la récolte en Z chez Asphodèle, il est donc facultatif) – persévérance – écrin – embauche – irrégularités – laboratoire

Les autres textes,ICI.

Avertissement : Ce récit est une pure fiction. Par conséquent, toute ressemblance avec des situations réelles ou avec des personnes existantes ou ayant existé ne saurait être que fortuite.

Les épisodes précédents sont réunis dans une seule et même page, ici, Work in progress (Écriture en cours).

Propice à la prise de recul, les moments qui suivent vont être utilisés à (bon) escient par Nathan, toujours à la recherche d’un moyen de faire rebondir favorablement la situation.

Ambiance propre à ce genre d’endroit, le calme et la propreté règnent dans le laboratoire informatique dans lequel je me trouve. Abyssale ambiguïté que celle de réaliser toutes ces « irrégularités » financières dans un endroit astiqué et immaculé de blanc. Je me sais désormais « couvert » par ces puissants clients en surplomb de tout ce système. Mais qu’en sera-t-il pour elle ? Rocio y a déjà laissé un petit doigt. Je me sens déjà si attaché à elle. Ressent-elle ce que je ressens ? Suis-je simplement victime de mon cœur d’artichaut, l’ajoutant à mon sérail déjà riche de tant de femmes que j’ai croisé dans ma vie ? Je suis tenté de croire que cette fois c’est autre chose. Difficile à expliquer, une sensation bizarre et inhabituelle de compassion m’a envahi lors son agression. J’aurais dû au contraire me réjouir de ses souffrances. Étrangement, ce sont nos instants intimes inattendus dans la pénombre qui prennent le dessus et guident mes sentiments pour elle. Cette nuit-là, enlacés, notre relation(*) est allée au-delà de l’acte physique, au-delà du plaisir charnel. Nous étions en phase, en parfaite cohésion physique et émotionnelle jusqu’à être secoués par l’éruption de plaisir affolant nos sens et finalement nous abandonnant, l’un contre l’autre, sonnés par le bien-être et la fatigue. Notre attirance était naturelle, mutuelle, nos sensations n’étaient pas feintes. Rien ne nous forçait à faire cela. J’étais à sa merci, l’avantage était indéniablement de son côté. Aujourd’hui, je la sais en souffrance, elle est en survie, accrochée à un fil fragile qui la relie à moi. Mais pour combien de temps ? Puis-je vraiment faire obstacle à sa plus que probable future élimination ?

À cet instant, sur l’écran, comme une réponse à mes réflexions, la barre de progression du processus que j’avais initié finit de se remplir. Le voyant sur la petite clé USB que j’ai discrètement formatée et encryptée vient de s’éteindre. Mon travail est terminé. Je la débranche, elle est légèrement chaude. Tout en m’assurant que mon épaule droite masque bien mes petites manipulations à la caméra de surveillance et au garde du corps tout près de moi, je glisse rapidement le périphérique de petite dimension dans la poche avant de mon pantalon. Je dois me méfier de monsieur Yole et de sa bande de mercenaires. Leur embauche n’a rien d’amical. Ma collaboration leur est désormais essentielle et mon efficacité jusqu’alors démontrée me met dans une situation confortable. Mais là encore, la même question s’impose à moi : pour combien de temps ? Leur persévérance à me maintenir en vie et leur volonté récente de me mettre en quarantaine de notre monde me conforte dans l’idée que j’ai une bonne carte à jouer. Trop d’intérêts sont désormais en jeu pour qu’ils prennent le risque de tout perdre. J’ai bien compris que j’étais un bien très précieux à leurs yeux justifiant ce programme de protection de témoins qu’ils me proposent de rejoindre. Si elle est bien réelle, cette proposition est un véritable écrin cinq étoiles pour une nouvelle vie. Intérieurement, je m’apaise. Ces instants passés à examiner à la loupe tout le système et à désactiver ses mécanismes de protection m’ont permis de me remettre en ordre de marche. Au rythme de la musique qui s’échappe du transistor, je tapote tout doucement la petite bosse qui diffuse encore un peu de chaleur à travers le tissu de ma poche. Je souris.

Maintenant, je sais ce que je veux !

Coincoins décidés

(*) voir épisode(s) précédent(s)

 

 

 La suite, ici : L’improbable union

Ce texte n’est pas libre de droits.

:-)

 

Défibrillation

Désir d'histoires

 

Désir d’histoires no 73 et ses mots imposés :

tennis – fatigue – désolé – verrine – bagatelle – anglaise – brune – ligne – exil – médaillon – hortensia – lapsus – concept – roulette – pincettes – morsure – passionnel

Les autres textes, ICI.

Avertissement : Ce récit est une pure fiction. Par conséquent, toute ressemblance avec des situations réelles ou avec des personnes existantes ou ayant existé ne saurait être que fortuite.

Les épisodes précédents sont réunis dans une seule et même page, ici, Work in progress (Écriture en cours).

Nouveau pic émotionnel dans l’histoire, notre héros se voit victime également d’un chantage émotionnel. Afin de s’assurer de toute son attention, le représentant de ses commanditaires dans un acte barbare et d’une froideur rare sectionne le petit doigt de la troublante Rocio… Nous retrouvons Nathan devant un clavier d’ordinateur…

Accaparé par l’extrême intensité émotionnelle de ces instants, j’en avais presque oublié Wens. Taciturne et discret, il n’avait bien sûr rien raté. La morsure impitoyable de la tenaille avait tranché net. L’homme de main a rapidement ramassé dans un mouchoir blanc le petit doigt à peine ensanglanté à sa base. Après avoir examiné l’appendice, il a glissé le tout dans une verrine qui a rejoint ensuite sa poche. Il a eu un bref regard désolé vers la belle black brune amputée. Puis, sans se presser, il s’est dirigé vers l’extérieur.  Plus tenue que maintenue, Rocio s’était recroquevillée au sol, protégeant son bras meurtri de tout son corps.La tête tournée vers son agresseur, son regard vide et exulté  était envahi par une brume épaisse désormais, elle semblait se raccrocher à des rivages imaginaires, ne voulant pas céder à la démence de la douleur. Son attitude prostrée, secouée par des soubresauts irréguliers, me fit imaginer qu’elle tentait de trouver dans son exil momentané un ilot de soulagement. Je ne distinguais que la serviette blanche avec laquelle on lui avait entouré la blessure sanglante. Une tâche rouge s’agrandissait sur le tissu et bavait dangereusement vers les extrémités… Sur les derniers mots prononcés par le bourreau de la main de Rocio, on m’a invité à quitter les lieux.

Désormais, je me trouve dans une salle en sous-sol à l’accès sécurisé. L’installation informatique ne s’apparente pas du tout à celle d’un hôtel. Le matériel est du dernier cri, et rien ne manque : système de localisation, radar, sonar, imprimante et scanner en trois dimensions. On se croirait dans un film d’espionnage. Je dois me trouver dans une de ces structures de surveillance américaine ultra sécurisée. Sur le dossier qui m’a été remis avant l’altercation dans le restaurant (*), le médaillon bleu caractéristique du Federal Bureau of Investigation me fait de l’œil.  En attendant que le système de sécurisation des communications finisse de se charger, je parcours distraitement les pages rédigées en langue anglaise. Une bagatelle de quelques pages paraphées et signées suffit pour disparaître complètement. Cela semble si facile, trop peut-être. Chant des sirènes ou réelle porte de sortie à cette situation, cette ligne droite inespérée vers un retour à la normale qui se présente à moi ne m’inspire pourtant guère. En acceptant ce deal, je serais définitivement « attaché » à ces clients très persuasifs. Comment prendre une décision alors que l’équation contient encore tant d’inconnues ? Autant jouer à la roulette russe n’est-ce pas ? Et qu’aller devenir Rocio dans tout cela ? Mon esprit ne parvient pas à s’en défaire. Le coquin de belge avait vu juste. Tout aussi étonnant que celui puisse paraître, je tiens beaucoup à elle, bien plus que ce que moi-même je ne pouvais croire.

Le bonhomme affecté à ma surveillance écoute la radio, le speaker annonce un titre de 1926, « Hortensia : la fille du jazz-band » (**). La voix nasillarde d’un dénommé Georgius s’élève alors :

« Dans un dancing très élégant

J’ai remarqué un’ femm’ qui vient souvent

Ell’ cause avec les musiciens

Ne dans’ jamais… et j’ai l’béguin.. »

Mon garde se lève alors et passe alors son temps dans mon dos. Je sens qu’il observe chacun de mes gestes mais le point d’interrogation qu’il arbore depuis le début sur son large front me fait bien comprendre qu’il ne capte rien au concept. Il est loin de saisir tout ce qui se passe sur les trois écrans que j’utilise. Des milliers de caractères défilent sous mon nez depuis maintenant deux heures. Démarrant avec des pincettes, j’ai commencé par tapoter le clavier tout doucement, je ne voulais pas par mégarde faire un lapsus technique en intervertissant un code ou une routine avec d’autres. J’ai eu besoin de me remettre en relation progressivement avec cet univers virtuel qui a failli me coûter la vie plusieurs fois en quelques jours. Après m’être assuré que la connexion n’était pas « sur écoute », en confiance, j’ai procédé tout d’abord à quelques vérifications. Rien ne semblait avoir bougé depuis ma dernière intervention. Finalement, mes doigts se sont dérouillés et les voilà désormais parcourant les touches à un rythme soutenu me rattachant de nouveau à tout ce monde bien à moi. Je navigue et épluche les dépôts, les fonds d’investissements. Point trop d’originalité somme toute, que du solide, du durable, du fiable. Le rythme cardiaque s’accélère, les montants s’accumulent, les sommets deviennent vertigineux. Je suis ailleurs, en relation passionnel et fusionnel, absorbé par cet artifice électronique, pompant toute ma conscience et ma concentration. Je ne ressens pas la fatigue malgré la sécheresse oculaire et le bas du dos qui grince. Je déplace, je réaffecte, ici je libère, là je consolide… partout je recrée les liens occultés. Par de simples pulsions électriques sur des câbles sillonnant le monde entier, je réveille la bête. C’est un véritable massage cardiaque que j’administre à ce monstre endormi, tapi dans les enchevêtrements de la finance moderne. Le réveil opère, tout le réseau se remet en ordre. Je lance enfin mon petit programme et celui va remonter par des milliers d’opérations inverses le fil de ma toile jusqu’à ce que toutes ses proies soient de nouveau libres.

Bientôt, il ne restera plus que quelques clics à exécuter. C’est à ce moment-là qu’il me faudra faire le « transfert de connaissances » et leur livrer l’entièreté de leurs avoirs que je n’aurais jamais du détourner. Je recherche distraitement de la pointe du pied mes tennis que j’avais ôtées pour me mettre à l’aise. La moquette est épaisse, douce, sensation bien réelle. Ma jambe brûlée tire sévèrement (*). Ils seront bientôt là de nouveau. Il me faut vite réfléchir, trouver une solution… pour moi… Mais une petite pique dans le cœur me rappelle à l’ordre : oui, il me faut trouver une solution … mais pour elle et moi !

Coincoins épris

 

(*) voir épisode(s) précédent(s)

(**) les paroles de la chanson « Hortensia : la fille du Jazz Band »

 

 La suite, ici : À venir

Ce texte n’est pas libre de droits.

:-)

Un doigt de sincérité

Désir d'histoires

Désir d’histoires no 72 avec 21 mots proposés par les participants au jeu organisé par Olivia :

distance – parenthèse – éperdue – instinct – emmurer – aporie – gigolo – archet – charbon – force – exagération – rentrée – inspiration – euphorie – sensible – attitude – majolique – étranger – péripétie – raisins – impertinent.

Les autres textes, ICI.

Avertissement : Ce récit est une pure fiction. Par conséquent, toute ressemblance avec des situations réelles ou avec des personnes existantes ou ayant existé ne saurait être que fortuite.

Les épisodes précédents sont réunis dans une seule et même page, ici, Work in progress (Écriture en cours).

Les principaux acteurs de cette aventure se retrouvent réunis. Le ventripotent belge semble mener la danse désormais… Il prend donc l’initiative !

À partir de ce moment-là, mes souvenirs deviennent un peu confus et je m’en excuse. Je sais combien il est important que je sois clair et précis en ces lignes…mais voilà, l’extrême tension et  la force de ces instants ont gommé les contours de ma mémoire, me privant de la moindre prise concise sur toutes ces péripéties. L’apparition de ces deux personnes, Wens et Rocio, n’était pas le fruit du hasard. J’appris par la suite que dès j’avais été mis à l’abri, Wens avait été chargé par Yole le cravaté de mettre la main sur la redoutable mulata. Elle et ses sbires, immobilisés sur les flots aseptisés d’une mer d’huile, avaient eu beaucoup de peine à mettre de la distance entre eux et le lieu de notre dernière altercation. Bien qu’étranger à ce pays, le fin limier à leurs trousses n’avait eu aucun mal à retrouver leurs traces et à les  neutraliser durant cette courte parenthèse de calme dans cette histoire. D’abord surpris, je me suis demandé pourquoi le commanditaire belge avait eu l’inspiration de ramener cette féroce ennemie. Les choses sont très rapidement devenues claires à ce sujet.

Réunis dans la salle désertée du restaurant, dans un décor romain improbable orné de majoliques factices, Rocio se tenait là, solidement ficelée et maintenue. Le soleil qui traversait les légers rideaux léchait discrètement son visage et parcourait son formidable physique au hasard du souffle du vent. Adoptant une attitude fière, elle se plantait là, droite, mâchoire serrée, les yeux grand ouverts fixant un à un ses adversaires. Elle sembla perdre de sa contenance lorsque nos regards se croisèrent, court instant suspendu mais d’une intensité presque palpable. Cela n’aurait pu être que mon imagination, mais je sentis que le « gros », pourtant étranger à notre relation jusqu’à maintenant, avait également perçu ce court moment vaporeux. Cela confirmait son instinct et la suite le conforta dans sa position déjà plus que favorable. Je ne pourrais retranscrire exactement ses mots, je me souviens simplement que dès lors, étonnamment, chaque mot qu’il prononça était vide de cet horrible accent dont l’exagération m’avait jusque-là irrité. La bedaine proéminente, finissant de machouiller un grain de raisin, il se tenait entre elle et moi. Son regard impertinent allait et venait de l’un à l’autre. En fait, dès qu’il avait eu connaissance de nos moments « éperdus » cette nuit où captif, j’avais (facilement) cédé aux avances de Rocio, un autre atout était apparu dans son jeu. Crânement inspiré, sa bonne intuition semblait le mettre dans un état de légère euphorie. Son sourire se fit plus malsain, carnassier. Il tendit sa main droite dans la direction d’un des deux baraqués dans laquelle ce dernier s’empressa d’y disposer une petite tenaille à la mâchoire disproportionnée et puissante. Il serra à s’en faire blanchir les phalanges l’instrument étincelant d’acier. Prestement, il se précipita à une table vers laquelle on amena également la captive. On obligea celle-ci à appuyer son coude sur la nappe usée et fleurie, laissant ainsi le reste du bras et ses doigts écartés suspendre dans le vide. Yole glissa l’auriculaire entre les lames de son instrument et tel un violoniste répétant ses gammes en faisant flotter un hypothétique archet, il singea la ponctuation de l’acte qu’il avait, semble t-il, bien l’intention de commettre. Cette feinte ne fit même pas tressaillir Rocio, emmurée dans un mutisme forcé, dernier bastion de sa résistance. Moi, par contre, à ma grande surprise, je laissai échapper :

« Stop ! S’il vous plaît ! Ne faites pas cela ! ».

Pris en flagrant délit d’aporie, j’intervenais pour sauver mon impitoyable poursuivante en m’interposant… Cette attitude contradictoire n’étonna pourtant pas du tout l’habile belge qui se retourna vers moi en m’adressant ces mots très sèchement cette fois :

« On a le cœur qui brille pour la belle négresse à ce que je vois. Parfait ! Je n’ai donc plus aucune raison de douter de votre motivation dans le cas qui nous concerne. Nous allons laisser minette gratter encore un peu la terre puis nous aviserons…  quoique… Pourquoi être si sensible et attendre ?».

S’aidant à peine de sa deuxième main, il se tourna et resserra la pince qu’il tenait toujours fermement. Un petit claquement caractéristique ponctua ses derniers mots. Le corps de la jeune femme se tendit promptement bien qu’elle ne laissa échapper qu’un murmure de douleur. Une grimace figeait ses traits, ses yeux n’exprimaient que la rage et la douleur. Dans un monologue qu’il devait juger de circonstance, ce détraqué du sushi expliqua alors qu’il venait de pratiquer un « Yubitsume » (*), auto-ablation couramment pratiqué par les yakusas. Sur ce, il m’invita une dernière fois à  «  aller au charbon » (ce sont ses propres mots) concluant son propos avec cette dernière phrase au goût acide :

« Les vacances sont terrrminées, c’est la rentrrrée ! ».

Coincoins motivés

(*) Yubitsume : Cette coutume est la forme la plus commune de réparation en cas d’erreur ou de manquement à leur devoir.


 La suite, ici : Défibrillation

 

Ce texte n’est pas libre de droits.

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