Désir d’histoires no 73 et ses mots imposés :
tennis – fatigue – désolé – verrine – bagatelle – anglaise – brune – ligne – exil – médaillon – hortensia – lapsus – concept – roulette – pincettes – morsure – passionnel
Les autres textes, ICI.
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Avertissement : Ce récit est une pure fiction. Par conséquent, toute ressemblance avec des situations réelles ou avec des personnes existantes ou ayant existé ne saurait être que fortuite.
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Les épisodes précédents sont réunis dans une seule et même page, ici, Work in progress (Écriture en cours).
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Nouveau pic émotionnel dans l’histoire, notre héros se voit victime également d’un chantage émotionnel. Afin de s’assurer de toute son attention, le représentant de ses commanditaires dans un acte barbare et d’une froideur rare sectionne le petit doigt de la troublante Rocio… Nous retrouvons Nathan devant un clavier d’ordinateur…
Accaparé par l’extrême intensité émotionnelle de ces instants, j’en avais presque oublié Wens. Taciturne et discret, il n’avait bien sûr rien raté. La morsure impitoyable de la tenaille avait tranché net. L’homme de main a rapidement ramassé dans un mouchoir blanc le petit doigt à peine ensanglanté à sa base. Après avoir examiné l’appendice, il a glissé le tout dans une verrine qui a rejoint ensuite sa poche. Il a eu un bref regard désolé vers la belle black brune amputée. Puis, sans se presser, il s’est dirigé vers l’extérieur. Plus tenue que maintenue, Rocio s’était recroquevillée au sol, protégeant son bras meurtri de tout son corps.La tête tournée vers son agresseur, son regard vide et exulté était envahi par une brume épaisse désormais, elle semblait se raccrocher à des rivages imaginaires, ne voulant pas céder à la démence de la douleur. Son attitude prostrée, secouée par des soubresauts irréguliers, me fit imaginer qu’elle tentait de trouver dans son exil momentané un ilot de soulagement. Je ne distinguais que la serviette blanche avec laquelle on lui avait entouré la blessure sanglante. Une tâche rouge s’agrandissait sur le tissu et bavait dangereusement vers les extrémités… Sur les derniers mots prononcés par le bourreau de la main de Rocio, on m’a invité à quitter les lieux.
Désormais, je me trouve dans une salle en sous-sol à l’accès sécurisé. L’installation informatique ne s’apparente pas du tout à celle d’un hôtel. Le matériel est du dernier cri, et rien ne manque : système de localisation, radar, sonar, imprimante et scanner en trois dimensions. On se croirait dans un film d’espionnage. Je dois me trouver dans une de ces structures de surveillance américaine ultra sécurisée. Sur le dossier qui m’a été remis avant l’altercation dans le restaurant (*), le médaillon bleu caractéristique du Federal Bureau of Investigation me fait de l’œil. En attendant que le système de sécurisation des communications finisse de se charger, je parcours distraitement les pages rédigées en langue anglaise. Une bagatelle de quelques pages paraphées et signées suffit pour disparaître complètement. Cela semble si facile, trop peut-être. Chant des sirènes ou réelle porte de sortie à cette situation, cette ligne droite inespérée vers un retour à la normale qui se présente à moi ne m’inspire pourtant guère. En acceptant ce deal, je serais définitivement « attaché » à ces clients très persuasifs. Comment prendre une décision alors que l’équation contient encore tant d’inconnues ? Autant jouer à la roulette russe n’est-ce pas ? Et qu’aller devenir Rocio dans tout cela ? Mon esprit ne parvient pas à s’en défaire. Le coquin de belge avait vu juste. Tout aussi étonnant que celui puisse paraître, je tiens beaucoup à elle, bien plus que ce que moi-même je ne pouvais croire.
…
Le bonhomme affecté à ma surveillance écoute la radio, le speaker annonce un titre de 1926, « Hortensia : la fille du jazz-band » (**). La voix nasillarde d’un dénommé Georgius s’élève alors :
« Dans un dancing très élégant
J’ai remarqué un’ femm’ qui vient souvent
Ell’ cause avec les musiciens
Ne dans’ jamais… et j’ai l’béguin.. »
Mon garde se lève alors et passe alors son temps dans mon dos. Je sens qu’il observe chacun de mes gestes mais le point d’interrogation qu’il arbore depuis le début sur son large front me fait bien comprendre qu’il ne capte rien au concept. Il est loin de saisir tout ce qui se passe sur les trois écrans que j’utilise. Des milliers de caractères défilent sous mon nez depuis maintenant deux heures. Démarrant avec des pincettes, j’ai commencé par tapoter le clavier tout doucement, je ne voulais pas par mégarde faire un lapsus technique en intervertissant un code ou une routine avec d’autres. J’ai eu besoin de me remettre en relation progressivement avec cet univers virtuel qui a failli me coûter la vie plusieurs fois en quelques jours. Après m’être assuré que la connexion n’était pas « sur écoute », en confiance, j’ai procédé tout d’abord à quelques vérifications. Rien ne semblait avoir bougé depuis ma dernière intervention. Finalement, mes doigts se sont dérouillés et les voilà désormais parcourant les touches à un rythme soutenu me rattachant de nouveau à tout ce monde bien à moi. Je navigue et épluche les dépôts, les fonds d’investissements. Point trop d’originalité somme toute, que du solide, du durable, du fiable. Le rythme cardiaque s’accélère, les montants s’accumulent, les sommets deviennent vertigineux. Je suis ailleurs, en relation passionnel et fusionnel, absorbé par cet artifice électronique, pompant toute ma conscience et ma concentration. Je ne ressens pas la fatigue malgré la sécheresse oculaire et le bas du dos qui grince. Je déplace, je réaffecte, ici je libère, là je consolide… partout je recrée les liens occultés. Par de simples pulsions électriques sur des câbles sillonnant le monde entier, je réveille la bête. C’est un véritable massage cardiaque que j’administre à ce monstre endormi, tapi dans les enchevêtrements de la finance moderne. Le réveil opère, tout le réseau se remet en ordre. Je lance enfin mon petit programme et celui va remonter par des milliers d’opérations inverses le fil de ma toile jusqu’à ce que toutes ses proies soient de nouveau libres.
Bientôt, il ne restera plus que quelques clics à exécuter. C’est à ce moment-là qu’il me faudra faire le « transfert de connaissances » et leur livrer l’entièreté de leurs avoirs que je n’aurais jamais du détourner. Je recherche distraitement de la pointe du pied mes tennis que j’avais ôtées pour me mettre à l’aise. La moquette est épaisse, douce, sensation bien réelle. Ma jambe brûlée tire sévèrement (*). Ils seront bientôt là de nouveau. Il me faut vite réfléchir, trouver une solution… pour moi… Mais une petite pique dans le cœur me rappelle à l’ordre : oui, il me faut trouver une solution … mais pour elle et moi !
Coincoins épris
(*) voir épisode(s) précédent(s)
(**) les paroles de la chanson « Hortensia : la fille du Jazz Band »
La suite, ici : À venir
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