Conclure ?

 

Les plumes de l'été

Les plumes de l’été

Les plumes de l’été 22 – Collecte des mots en V avec 21 dont un facultatif : vasque – vicissitudes – vacance (au singulier) – victoire – verveine – viaduc – vernaculaire – volubile – véto – vagabond – vice – vibration – valser – vampire – véloce – vinaigrette – vaste – voler (au sens de voler comme un oiseau) – victorieux (facultatif) – voluptueusement – verdure.

Les autres textes, ICI.

Avertissement : Ce récit est une pure fiction. Par conséquent, toute ressemblance avec des situations réelles ou avec des personnes existantes ou ayant existé ne saurait être que fortuite.

Les épisodes précédents sont réunis dans une seule et même page, ici, Work in progress (Écriture en cours).

La mêlée à peine constituée, Wens a repris l’avantage et avec un certain savoir-faire est parvenu à se frayer un passage pour lui et son « précieux » protégé. Il semble que le temps de se mettre à table pour le jeune financier soit bientôt venu.

« Tu voulais mourir ? Ok… mais faisons-le à ma manière… »

Ses derniers mots prononcés valsent de façon irraisonnée dans ma tête, me donnant un léger tournis. Tout à sa navigation entre les bancs de sable et les rochers de la côte finement ciselée, Wens ne décoche plus un mot. Chemise ouverte au vent, son visage s’est nouveau refermé. Certainement en train d’élaborer notre prochain mouvement, il scrute minutieusement chaque aspérité du relief environnant. J’ai l’étrange impression qu’il recherche un endroit précisément. Je le laisse à son exercice et laisse mon regard vagabond se perdre sur l’horizon. L’océan nacré bleu turquoise y rejoint en un lien flou lointain le ciel azuré. Tout est bleu et pourtant tout s’y distingue très clairement. Les petits nuages tels d’improbables trainées blanches de peinture laissées par un peintre céleste soulignent la profondeur du vaste décor dans lequel volent de rares mouettes au-dessus de notre sillage blanc crémeux. Bien qu’incommodé par le niveau sonore élevé du moteur, par ses réjections noires nauséabondes et par les vibrations continues qu’il impulse sur l’ensemble du rafiot, je me laisse doucement bercer.

Ma détermination à en finir avec la vie (*) a finement inspiré mon compagnon pour nous sortir encore une fois de ce guêpier. Désormais, les choses sont claires : même s’il vient de neutraliser temporairement nos poursuivants en menaçant de mettre fin à mes jours, il doit surtout se méfier de moi. Même victorieux, il me sait fermement résolu à mettre fin à toutes ces vicissitudes par la solution ultime, ma propre exécution. Les grosses sommes d’argent en jeu supportent mal la vacance prolongée du poste de gestionnaire que j’occupais. Notre langage vernaculaire, très spécifique, à notre petit monde financier et le véto qui fait cours dans la place font que peu de personnes pourraient prétendre reprendre le flambeau que j’ai insidieusement allumé pour mes clients. C’est cette préciosité, certes précaire, de mes compétences rares et discrètes qui me préserve depuis le début de cette (més)aventure. Tels des vampires, mes poursuivants sont assoifés du sang, rare elixir mixant mon savoir et mon ingéniosité à tricher. L’intérêt de plus en plus appuyé concernant ma petite personne a fait monter la pression à un point de non-retour, me contraignant dorénavant à un quitte ou double. Depuis trop longtemps au menu de ces rapaces, je suis bien décidé à ne pas me faire dévorer juste après l’entrée « poireaux vinaigrette ».

Notre bateau déjà peu véloce ralentit maintenant de façon prononcé tout en portant sa proue à babord. À quelques brassées de nous, se dessine dans le paysage une petite et immaculée anse de mer. Léchée par les vagues d’une eau limpide et cernée voluptueusement par la verdure luxuriante, cette vasque naturelle improbable semble écarter ses bras sur la mer pour nous accueillir. L’endroit est désert, enveloppé par un calme irréel. L’ancre est mouillée à une courte distance de la plage. Wens fouille sous le poste de commande et semblant trouver ce qu’il cherchait s’asseoit sur le rebord. Observant par intermittence les alentours, il s’active sur la petite boite qu’il tient entre ses mains. Satisfait, il se redresse et m’adresse alors un rare sourire, enfin plutôt demi-sourire, sourcil droit baissé et coin de bouche droit redressé, se rapprochant, comme aimantés par une impossible union. À le voir ainsi, ébloui par le soleil et grimaçant sa joie, je pourrais presque le trouver sympathique. J’aimerais respirer le même air de victoire avec lequel il semble s’emplir d’espoir.

« Dans peu de temps, nous devrions recevoir toute l’assistance nécessaire. Si j’ai bien compris, tu avais besoin d’une « passerelle » pour une connexion sécurisée depuis les antipodes. Et bien, ne t’en fais plus, tu disposeras sous peu d’un viaduc pour réaliser tes petits tours de passe-passe qui t’ont amené aux portes de l’Enfer que nous venons de franchir. »

Surpris par ce flot de paroles presque volubile, je réalise qu’il a réussi ni plus ni moins à établir à nouveau le contact avec « notre » camp. Ne sachant toujours pas si je dois partager sa satisfaction, je ne peux m’empêcher de remarquer le rictus qu’il n’a pu contenir quand il a prononcé les mots « tes petits tours de passe-passe ». C’est à peu près le même rictus que ne peuvent contenir ces personnes en proie à un vice profond qui essaient de s’en libérer en se confiant. J’ai honte, je ressens toute la futilité de mes combats passés, cherchant le profit maximum, la discrétion absolue, quelqu’en soit le prix. Jamais je ne me suis soucié de l’origine de cet argent jaillissant de sources intarissables : drogues, jeux, chantages, (dé)montages financiers. Jamais je ne me suis soucié des malheurs engendrés par les multiples faillites, disparitions, assassinats que toutes mes manipulations ont certainement provoqué. Une incision profonde de mon âme s’opère en moi, mettant à nu et à vif des sentiments refoulés depuis si longtemps….

…….

C’est avec ces pensées honteuses, possible amorce d’une future rédemption-désintoxication, que j’ai plongé dans la torpeur de mes réflexions. Je ne saurais vous dire combien de temps celle-ci a duré. Tout ce que je peux dire, c’est que je reviens déjà à la réalité, comme on arrive à la fin d’un livre passionnant.. au rythme du bruit des rotors d’un hélicoptère s’approchant de nous … C’est à ce moment-là que Wens, arborant à nouveau son inquiétante grimace souriante, rajouta à mon intention :

« Mais avant tout, chose promise, chose due.. il est temps que je te fasse  … mourir ! ».

 

Coincoins sur le pont

(*) voir épisode(s) précédent(s) ou cliquer ici pour l’histoire dans son intégralité : Work in progress (Écriture en cours).

 

La suite, ici -> Réveil étrange

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