Aller au bout de l’expiration .. et la savourer !

 

plumedesmotsunehistoire3

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Désir d’histoires 55 et sa liste de mots : cactus – documentaire – blasphème – chérir – pie – pimenter – matin – ressenti – gel – graine – bronchiolite – fromage – sarabande – mordant – gage – épaulette – dérision – givre – précipice – otarie – patinoire – nuit – excédent – frénétique

 

 

 

Ses chaussures noires italiennes richelieu à bout fleuri, gage du soin et du chic poussés dont il est capable de faire preuve, sont parfaitement cirées. Même les lacets dessinent des boucles aux arrondis parfaits. Tête baissée, ses cheveux sont impeccablement coiffés, légèrement parfumés aux huiles fortifiantes à l’extrait naturel de cactus, de henné et de fleur de camomille. Un soupçon trop à l’étroit entre les épaulettes de son costume, il ne détache plus son regard du bout de ses pieds. Il sent l’assistance complètement pendue à ses lèvres. L’ambiance vient de se transformer en un grand point d’interrogation qui peut aisément se lire sur les visages. Il en a conscience, il entend même quelques grognements étonnés par la longueur qu’a déjà pris son silence… mais il ne s’en soucie guère. Il vient de mettre le doigt sur le bouton « pause » de ce moment incroyablement intense qu’il est en train de vivre.

 

Cette sensation délicieuse de se trouver au bord du précipice le berce, le rassure, stoppant par là même la sarabande frénétique engagée depuis quelques semaines. IIl le savait, cela en valait la peine. Toutes ces démarches administratives nécessaires et les rebondissements qu’ils avaient connu dans cette petite aventure auraient mérité un documentaire. Ils avaient cru devoir capituler deux, peut-être trois fois mais non, aujourd’hui, ils étaient là. Pour rien au monde, il ne souhaitait lâcher ce bonheur qu’il avait trouvé. Comme disait sa grand-mère, experte en dérision s’interdisant tout blasphème, « on avait plus de chance de convaincre une otarie d’avaler du fromage afin de soigner une bronchiolite » plutôt que de parvenir à le faire renoncer. Et il ne renoncera certainement pas. Malgré les nombreux avertissements et critiques qui ont fusé, il a tenu bon. Il sait qu’il est sur sa route, sa destinée. Mais cela, seul lui peut bien sûr le comprendre.

 

Il inspire profondément, juste contrebalance de l’interminable expiration qu’il vient d’imposer à toute la salle. Il se redresse, il sourit au même instant qu’un rayon de lumière éclaire son visage. Malgré un soleil hivernal qui depuis ce matin inonde un ciel sans nuage et d’un bleu net, le givre sur les fenêtres et la patinoire à l’extérieur, chefs-d’oeuvre des nuits aux températures polaires de ces dernières semaines, ne laissent aucun doute quant au froid mordant qui sévit au delà de ces murs. Il se laisse encore distraire par le spectacle anodin qui se joue là, dehors. Sur le rebord d’une des immenses fenêtres, une pie, enhardie, tente de dégager une quelconque nourriture prisonnière par le gel. La graine convoitée finit par être engloutie et l’attention de notre principal sujet revient à la scène initiale.

 

Une phrase est inscrite sur un discret écriteau, l’écriture est fine et relevée, comme tracée à la main : « Lorsqu’on épouse l’objet que l’on chérit, le bonheur embellit. » (Paul de Kock, « Le cocu »). Son coeur bat la chamade désormais. Il prend conscience qu’il vient bien involontairement par son mutisme prolongé de pimenter le dénouement pourtant sans aucun doute heureux de cette cérémonie. Son visage réjoui ne laisse cette fois-ci aucun doute sur son bien-être intérieur, désormais ressenti et partagé par toutes les personnes présentes autour de lui. Sa promise est là, tout à côté de lui. Il entrouvre doucement les lèvres, les humecte en passant sa langue au ralenti. Il prononce le mot qui désormais va unir sa vie à la sienne. Comme victime de cet excédent de bonheur qui le submerge, il hoquète maladroitement. Il se reprend et plus fort qu’il ne l’avait imaginer il prononce très distinctement : « OUI ».

 

Quelle drôle d’idée que celle de se marier au mois de février…

 

Coincoins de félicitations !

 

Rose blanche

Rose blanche

 

Ce texte n’est pas libre de droits.

 

49 réflexions sur « Aller au bout de l’expiration .. et la savourer ! »

    • Certes je le voulais classos limite « je fais ce que je veux même si c’est un tantinet désuet »… 😉 Il est libre ce gars-là. On pourrait l’appeler Max !

      Coincoins ailés

  1. Ping : Il s’est arrêté | Désir d'histoires

    • héhé… il s’embarque dans ce qui lui semble être la dernière aventure possible en ce monde de plus en plus civilisé et individualiste. Un retour aux valeurs affectives ? Oui.. peut être … 😀

      Coincoins +

  2. Un texte positif? Hum, le précipice, la grand mère et son otarie, le cocu, les avertissements, les critiques, victime, hoquète ! M’enfin QUI épouse-t-il? coins coins d’inquiétude!

    • oooh ! Intéressant de voir comme les lecteurs peuvent avoir différentes interprétations.. Nos vécus nous mènent sur des routes différentes… pas d’inquiétude pour lui, elle est merveilleuse…enfin jusqu’à maintenant 😉

      Coincoins positifs

  3. JJe me demandais bien où tu voulais en venir… Je me croyais dans un amphi, au début, avec un Prof qui sait plus quoi dire 🙂
    Et ben, ça promet, si la vie de couple est aussi belle que les chaussures du Promis…
    Texte bien plaisant à lire et qui réchauffe l’atmosphère de février
    Bises de Lyon

    • Tout n’est affaire que de goût… Je concède que son goût pour les chaussures est plus que suspect…mais il se rattrape largement quant au choix de son épouse.. 😀

      Coincoins gustatifs

  4. Franchement, on ne sait pas du tout où tu voulais en venir et c’est très bien amené.
    Ton personnage écoute son coeur et va au bout de son rêve, il a beaucoup de chance…mais je suis curieux de savoir pourquoi ce mariage a été problématique.
    Et puis mariage en février, muguet au mois de mai…

    • Oui le mariage a été problématique… Peut être cela sera t-il exposé dans un autre texte.. Juste pour montrer que le canard aussi peut avoir de la suite dans les idées 😉 Merci pour ton commentaire mais je dois reconnaître que ton texte m’a vraiment enchanté !

      Coincoins inclinés !

    • « Galli » ?? hhheeeeuuuu… Coqs en italien peut être ? La danseuse chorégraphe ? Le joueur de foot ? L’alligator ? si si .. l’alligator … tiens regarde …

      😉

      Coincoins QCM …

      • Non, très cher, vous devriez savoir que je ne parle pas du tout italien, n’aime pas les animaux (excepté les chiens), ai un QI supérieux à 20 (et même à 80 😉 ) mais ai en revanche un minimum de culture…
        ;D
        Bon, toujours pas ?
        OK, je te donne un indice: une célèbre maison d’édition avec, il est vrai, une petite modification orthographique 🙂

        • Je reviens bien tardivement sur tes mots et ta(ma) maison d’édition (Gallimard non ?)… Je suis quelque peu débordé mais cela n’est pas très original et à l’instar de Nadya je suis en perpétuelle course avec le temps. J’en suis navré et frustré. Faire vivre la Mare au rythme de mes dispos et de mes inspirations reste une priorité bien sûr. Toi par contre je remarque que tu écris un peu plus souvent ces derniers temps. C’est à mon tour de te rattraper alors ! 😉

          Coincoins chronophages 😉

    • La piste était brouillée car les sentiments et la pause sont passés en premier… Difficile lorsque l’on s’exprime de laisser le rationnel prendre le dessus sur l’émotionnel non ? 😉

      Coincoins émus !

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